
Morante de La Puebla tiendra le premier rôle vendredi à Nîmes. C’est, me direz-vous, dans l’ordre des choses puisqu’il est le parrain d’alternative de Marco Pérez. Mais ce n’est sans doute pas comme ça que les auteurs du cartel avaient planifié les choses. Qui pensait que le jeune salmantino sortirait contesté de son un contre six madrilène ? Qui supposait que l’andalou reviendrait au premier plan avec des succès retentissants à Jerez et surtout à Madrid ?
Le phénix andalou renaît toujours de ses cendres et cette inconstance fait non seulement son charme mais surtout sa force. Le torero cigarrero, ne l’oublions pas, collectionne plus d’échecs que de succès mais, en ce qui le concerne, le qualitatif l’emporte sur le quantitatif. Cela en fait un torero exceptionnel, génial par ses capacités techniques et sa créativité ; plus complet donc que les grandes références artistiques qu’étaient Curro Romero ou Rafaël de Paula, des génies certes mais marginaux néanmoins. Morante a toujours su éviter l’écueil de la marginalité en se référant à un toreo fondamental en même temps qu’universel et paradoxalement très personnel dans son exécution. En ce sens on ne peut pas le classer dans la catégorie des toreros artistes, quoiqu’on en dise…
Faut-il cependant tomber dans l’excès d’éloges ? Méfions-nous des systèmes, des chapelles, des sectes, des « ismes ». Hier nous avions le Poncisme -en on voit désormais les limites- nous avons aujourd’hui le Morantisme. Ce sont souvent les mêmes porteurs d’icônes, les mêmes prophètes. Il faut raison garder et malgré tout le bien que nous pensons du torero de La Puebla nous n’en deviendrons pas un inconditionnel. Car s’il a été l’auteur d’authentiques chef d’œuvres il fut aussi à l’origine de fracasos d’anthologie.
Morante est une référence dans la mesure où il s’adresse à un public savant, donc le plus souvent âgé, d’abord sur ses terres. Dans ce sens c’est plus une fin qu’un début… Le torero de La Puebla représente la tauromachie éternelle, cet idéal dont nous rêvons… Pour autant incarne-t’ il l’avenir ?
Pierre Vidal