Voici la chronique de Philippe Caubère dans Midi Libre de ce matin:

Qu’Aymeric Caron présente un projet de loi pour interdire la corrida me semble aussi obscène qu’eût été, lors de ma lointaine jeunesse, Guy Lux ou Léon Zitrone appelant au rétablissement de la peine de mort ou à l’interdiction de l’avortement. Ce qui n’est pas une comparaison, mais une image. Pour me faire comprendre. Qui fait d’ailleurs injure à la mémoire des deux ancêtres, mais eût certainement remporté un grand succès auprès de cette crapule à laquelle notre Guy Lux d’aujourd’hui fait appel à tous vents : l’opinion publique. Qu’est-ce que ce monsieur, pur produit de ce que nous connaissons de pire sur la terre, la télévision, pourrait bien comprendre au dernier vestige encore vivant de la tragédie antique ?

Peut-être pourrait-il, comme nos deux anciens, donner son avis sur les courses de vachettes ou les concours de catch, mais… la corrida ! Je crois surtout qu’il a repéré que cette « cause » était bien la seule qui pourrait lui donner quelque crédit dans la conquête de je ne sais quelle place politique. Cette histoire surréaliste me semble un symptôme supplémentaire de l’effroyable égarement des valeurs de cette gauche dont on dirait qu’elle s’acharne vraiment à devenir « la plus bête du monde ».

            En vérité, cet assaut n’est pas dirigé contre la corrida, mais contre l’art en général. Je suggère d’ailleurs à Aymeric Caron de s’en prendre également à l’Opéra, la Danse, le Cirque et dans la foulée, au Théâtre et au Cinéma. Puisqu’au terme de sélections féroces et anti-démocratiques, on fait subir aux cordes vocales des chanteurs lyriques des déformations toujours plus atroces, aux pieds des petits rats ou des danseuses étoiles des mutilations pires que celles infligées aux Japonaises du Moyen-Âge, aux acrobates et funambules des prises de risques destinées seulement à la jouissance sadique de publics impatients de les voir tomber.

Le théâtre et le cinéma n’ayant comme seule raison d’être que l’occasion donnée aux prédateurs de toutes sortes de pouvoir exercer leurs sévices. Ah mais non : je suis con !  Il ne s’agit que d’humains : peu importent leurs souffrances. Puisque seule compterait « l’animale ». Dans un journal de Nîmes (où l’on se demande un peu ce qu’il fait là…), sous le titre : « On ne peut pas être de gauche et soutenir la corrida » Monsieur Caron déclare que « ce qui nous a été longtemps présenté comme un acte artistique est en réalité une séance de torture médiatique ». Médiatique… la corrida… Sûrement pas Mr Caron, n’est-ce pas ? Et « torture » bien sûr : ça le fait. Mais « combat » ? Surtout pas ! Le sang, la violence en effet, qui le nierait ? Mais la question « pourquoi » ? Ça non, jamais. Le problème avec les anti-corridas a toujours été le même : l’ignorance. La mauvaise foi. Pour tout dire, la bêtise. C’est à dire le refus de comprendre. Sans parler d’une chose inavouée et pour cause, inavouable : le mépris pour le Sud. Ce dont je n’accuserai jamais Brigitte Bardot ou Alain Bougrain-Dubourg dont je respecte les personnes et le combat auquel ils ont donné leur vie. Mais trop d’autres.

Je n’ai plus envie d’essayer de défendre la corrida auprès de ces gens là. Encore moins d’en débattre — qui est « pour », qui est « contre », etc. Je n’ai pas envie de pleurnicher, évoquer l’émotion profonde que la beauté des toros de combat et leur férocité, celui du courage des toreros et leur féminité, la joie de la féria enfin, ont toujours su donner au peuple. Les plus grands écrivains, poètes et peintres l’ont fait cent fois mieux que moi. Le plus affligeant pour moi est qu’un parti de gauche, c’est à dire ma famille, ait accepté de s’incarner dans ce personnage ridicule, au mépris de l’une de ses missions sacrées : la protection de la nature.

La mise à mort de la corrida, crime contre le bon sens, serait une catastrophe écologique absolue : la disparition de milliers d’hectares de nature vierge et l’extinction d’une espèce animale sauvage unique au monde. Sans parler du désastre économique qui ne semble pas leur sujet, du désastre social qui l’est encore moins et de la mort de l’art dont on dirait… qu’il ne l’a jamais été. Mais alors… c’est quoi ? Le pouvoir ? Continuez comme ça, vous ne le retrouverez jamais.

Philippe Caubère,