Le dĂ©putĂ© d’Eure-et-Loir et vice-prĂ©sident des RĂ©publicains Olivier Marleix prĂ©side le groupe LR Ă l’AssemblĂ©e nationale. Aficionado, Ă titre personnel, il explique pourquoi il s’engage en faveur de la corrida et votera contre la proposition de loi d’Aymeric Caron.
Quelle sera la position de votre groupe jeudi si la proposition de loi d’Aymeric Caron visant Ă abolir la corrida est discutĂ©e et votĂ©e Ă l’AssemblĂ©e nationale ?
Sur ce sujet-lĂ , comme tous les sujets, dans mon groupe, il y a une totale libertĂ© de vote. C’est la premiĂšre fois qu’il y en a une au Rassemblement national, et le groupe Rassemblement national va ĂȘtre divisĂ©, c’est la premiĂšre fois que le groupe macroniste va ĂȘtre divisĂ©, mais chez nous, la libertĂ© de vote, c’est le principe.
Mais sur ce sujet, le prĂ©sident de groupe que vous ĂȘtes s’est engagĂ© Ă titre personnel ?
Ă titre personnel, je suis un peu sorti de mon devoir de rĂ©serve habituel de prĂ©sident de groupe. Normalement, je ne signe pas d’amendement autre que des amendements collectifs. Et lĂ , j’ai dĂ©posĂ© un amendement qui a Ă©tĂ© votĂ© en commission des lois et qui a supprimĂ© l’abrogation proposĂ©e par Aymeric Caron. C’est un amendement que j’ai dĂ©posĂ© avec ma collĂšgue Anne-Laure Blin (dĂ©putĂ©e LR de Maine-et-Loire, NDLR). Il a Ă©tĂ© votĂ© en commission, donc on a gagnĂ© la premiĂšre Ă©tape.
Quel est le rapport de force sur ce sujet au sein de votre groupe ?
Je pense que, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, dans notre groupe, il y aura un plus grand nombre de dĂ©putĂ©s pour dĂ©fendre la diversitĂ© culturelle, la diversitĂ© de traditions, les cultures qui s’expriment aussi Ă travers ce combat pour la dĂ©fense de la tauromachie. Je pense que je serai suivi par le plus grand nombre de mes collĂšgues prĂ©sents.
Au sein du groupe LR au SĂ©nat, les Ă©quilibres doivent par ailleurs ĂȘtre similaires ?
Oui, oui. Je pense aussi. GĂ©rard Larcher ? Je ne lui en ai pas encore parlĂ©, et je ne m’exprimerai pas Ă sa place. Mais, moi, je suis sorti de mon devoir de rĂ©serve en espĂ©rant l’emporter jeudi dans l’hĂ©micycle.
Justement, qu’est-ce qui a motivĂ© votre dĂ©marche, pourquoi monter au front sur ce sujet ?
Je comprends ce que le philosophe Francis Wolff appelle “les conflits de sensibilitĂ©”. Les gens qui ne connaissent pas du tout la corrida en ont une image qui en rĂ©alitĂ© est fausse. Ils ne voient que la mort du toro, les derniers instants de la corrida. Ils voient la souffrance de l’animal, mais l’aficionado ne va pas Ă la corrida en admettant la souffrance animale. DĂšs qu’un picador a un geste trop appuyĂ©, si le torero est maladroit, le public proteste aussi. Personne n’applaudit la souffrance de l’animal. L’aficionado voit autre chose, il sait ce qu’est un toro de combat, un toro brave, il sait qu’il s’agit d’une espĂšce spĂ©cifique, spĂ©cialement Ă©levĂ©e pour la corrida, qui disparaĂźtra un jour si on supprime la corrida. Ceux qui ne connaissent pas ne savent pas qu’il s’agit de vĂ©ritables fauves, redoutables, avec des cornes de la taille d’un sabre, trĂšs effilĂ©es. Un torero, le temps de la corrida, la mise Ă mort exceptĂ©e, c’est un homme Ă mains nues face Ă un fauve, ça les gens ne le voient pas, ne voient pas ce courage. C’est une autre culture, pas partagĂ©e par tous.
LâUnion des Villes Taurines en association avec lâObservatoire National des Cultures Taurines, la FĂ©dĂ©ration des SociĂ©tĂ©s Taurines, lâAssociation Françaises des Ă©leveurs de Toros de Combat, le mouvement Esprit du Sud, lâUnion des Clubs Taurins de France et lâACOSO organisent ce samedi 19 novembre la remise dâune motion en dĂ©fense de la libertĂ© culturelle au prĂ©sident de la RĂ©publique. C’est ce que vous voulez dĂ©fendre ?
Oui. Cette culture a Ă©tĂ© cĂ©lĂ©brĂ©e par de grands artistes, je ne pense pas que des gens comme Hemingway, Picasso, Cocteau Ă©taient des barbares. Ceux qui combattent la corrida pourraient aussi faire l’effort de comprendre un peu plus cet univers.
Redoutez-vous que d’autres traditions, ou cultures, comme vous les prĂ©sentez, soient attaquĂ©es Ă leur tour, aprĂšs la tauromachie ?
Oui. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, on se retrouve face Ă la politisation de la question animale. C’est une philosophie selon laquelle l’homme ne serait qu’une espĂšce parmi d’autres, qu’elle n’aurait aucun droit sur les animaux qui seraient un peu les derniĂšres victimes du mĂąle blanc suprĂ©maciste. C’est un peu la philosophie qu’il y a derriĂšre la proposition d’Aymeric Caron. Et aprĂšs, on ne chasse plus, la chasse Ă courre est dans leur viseur puis ce sera au tour d’autres formes de chasse, on ne pĂȘche plus, mĂȘme si on relĂąche le poisson. Mais ce que je combats rĂ©solument, et que propose Aymeric Caron, c’est cette espĂšce d’uniformisation de valeurs au nom desquelles il faudrait faire disparaĂźtre des cultures rĂ©gionales.
Mais d’autres dangers, finalement, ne mettent-ils pas en pĂ©ril la tauromachie ?
Cette initiative ne sera pas isolĂ©e, elle reviendra. Mais il y a en mĂȘme temps, de vrais succĂšs populaires avec les grandes ferias, Arles, NĂźmes, BĂ©ziers. Il y a aussi une belle gĂ©nĂ©ration de formidables jeunes toreros français, comme El Rafi, par exemple, il est trĂšs sympathique en plus. Ils pourraient se faire davantage les ambassadeurs, dans les mĂ©dias nationaux, de ce qu’est la corrida. J’attends aussi avec impatience le retour de SĂ©bastien Castella.
Vous ĂȘtes Ă©lu d’un dĂ©partement qui n’a pas de tradition tauromachique, ça ne doit pas ĂȘtre toujours simple d’y dĂ©fendre une position d’aficionado ?
Oui, c’est sĂ»r, chez moi, on connaĂźt moins la corrida. mais bon, je dĂ©fends, j’explique. Et quand on explique, les gens arrivent aussi Ă comprendre. Ă comprendre que nous n’attendons pas que l’animal souffre. Moi je dis aux gens, croyez-moi,si je devais ĂȘtre rĂ©incarnĂ© en bovin, je prĂ©fĂ©rerais l’ĂȘtre en toro bravo qu’en animal de boucherie.
VINCENT COSTE Midi Libre
https://www.midilibre.fr/2022/11/18/corrida-je-prefererais-etre-reincarne-en-toro-brave-quen-animal-de-boucherie-assure-le-lr-olivier-marleix-10811699.php