J’entends d’ici les commentaires blasés des censeurs puristes pour qui le toreo doit toujours donner la sensation de sécurité et de lenteur sereine.

Le jeune matador de Morelia ( Mexique) nous a habitués depuis son alternative à un comportement audacieux, courageux, et pour le coup il a fait peur aux spectateurs. Sa prestation triomphale cette année pour Pâques à Aignan n’attendait que la confirmation d’alternative de Madrid pour démontrer les qualités et l’aficion superbe de ce jeune torero.

Hier à Las Ventas devant un horrible  toro de José Vazquez pour son toro de confirmation et un meilleur d’El Paralejo sorti en 6ème, Isaac Fonseca s’est joué la vie sans pathos, avec cette joie de toréer qui le tient depuis l’enfance.

Comme il n’avait rien pu montrer au premier il a donné un quite au très beau toro ensabanado de Tellez, quite fait de quatre chicuelinas de gala, ultra serrées, et une revolera à se mettre à genoux.

A genoux c’est ce qu’il fit pour recevoir son deuxième toro aux charges irrégulières dont il tira le maximum.La faena fut vibrante mais accrochée et le toro  enfonça par deux fois ses longues armures dans le sable en sortant de la muleta du diestro.

Le répertoire technique du jeune homme peut s’élargir mais l’émotion qu’il provoque fait de lui un modèle d’expression et de sourire devant la mort possible.

Un peu avant, son parrain d’alternative,  M A Perera avait montré  toute son envergure technique et physique (culminant à plus d’un mètre quatre vingt cinq) on était en droit d’être déçu par les épées de l’extremeño. Oreille perdue, tristement ,  après une faena de haute volée.

Après cette corrida  on lut et entendit des tas de choses , et des plus désagréables ou méprisantes (et méprisables aussi) à propos du mejicano, comme pueblerino, tremendista,et autres gracieusetés infondées d’ailleurs.

Qui aujourdhui  oserait se plaindre de la nouvelle génération de ces toreros d’entrega ? les formalistes de l’ordre établi ? faut– il donc que le toreo n’évolue pas ?  que définitivement l’opprobre soit jeté sur ceux qui osent leur différence ?.

Souvenons- nous, d’Ordoñez, Dominguin, el Viti, Cordobes,Lequel di est resté non seulement dans les mémoires mais aussi dans l’histoire ?

Qui de nos jours ? Ponce ou Juli ? Morante, José Tomas ou Urdiales ? certes comparaison n’est pas raison, mais enfin les formalismes académiques et le rejet des fortes personnalités ne rend pas service à l’aficion et c’est par le retour d’un nombreux public jeune aux arènes que l’on peut juger de la véritable importance d’un Roca Rey, et demain d’un Marco Perez ou d’un Isaac Fonseca.

Tout cela pour dire aux tenants de l’orthodoxie rigoureuse et ennuyeuse   que Jacques Durand appelle les  « scrogneugneu », que l’ émotion en art doit toujours primer sur le goût, quitte à choquer les académistes.

Et puis et puis … arriver aux arènes en calèche comme Morante, ou en bus de la régie des transports madrilènes comme Isaac Fonseca, c’est la même chose, une sorte de romantisme et d’amour profond pour cet art qui nous obséde.

Jean François Nevière

Pdt de Mexico Aztecas y Toros