Photo Diario de Cadiz

Il pleut sur Sanlucar. On sourit ici. Le Camino du Rocio verdit. Nous sommes à la veille de « l’embarque » et dans les « réunions » ce sont les ultimes préparatifs avant le grand départ mercredi : messe à huit heures puis trois jours de marche à travers les marécages de Doñana avant l’arrivée au sanctuaire, deux jours dans la Hermandad et retour sur Sanlucar. Une aventure : spirituel ? Physique ? Anthropologique ? Une initiation. Sur le Guadalquivir, mlgré les élections à venir, on ne parle que de ça…

Mais il y a Madrid, la « capitale du monde » comme écrivait Hemingway qui avait toit compris. Celle qui fait et défait les rois… Profitons de cet instant de tranquillité pour faire le point sur l’essentiel.

Sébastien Castella vendredi soir : un grand maestro renaît de ses cendres. On le disait terminé. Son retour était passé inaperçu et sa grande faena sévillane éclipsée par les exploits de Morante de La Puebla et ceux de Roca Rey. Castella à Las Ventas confronté aux Jandilla frappe un grand coup en exécutant la faena complète, parfaite du début jusqu’à la fin, conclue par un estoconazo. Et Madrid le consacre justement même s’il y en a pour mégoter cet indiscutable succès. Nul n’est prophète en son pays… et le bitterois a dit : aqui soy ! Et le revoilà relancé revenu dans le peloton des grands où la concurrence est si vive. Il faudra faire avec lui et quand on connaît ces pentes ardues on mesure l’exploit. C’est un Sébastien nouveau qui nous est revenu plus apaisé, plus profond dans la plénitude de son toreo.

Dimanche : la controverse face à un ensemble de Fuente Ymbro armé pointu jusqu’aux dents et souvent malintentionnés. Adrian de Torres, venu en remplacement  se joue la peau ce jour-là comme un mort de faim qu’il est. C’est maintenant ou jamais pour Adrian à qui les Vicois ont eu la bonne idée de faire confiance. Maintenant que ses années de galère, sa foi en lui-même et son courage (valor seco) peuvent enfin trouver l’écho dont il rêve depuis si longtemps dans la chambre minable qu’il occupe, près du fleuve. Fallait-il se la jouer ? Non me dit-on autour de moi : « la tauromachie ça n’est pas cela ». Et pourtant qu’en savons nous avec nos esprits cartésiens ? Don Quichotte a-t-il hésité à se jeter sur les moulins au risque de se faire hacher par leurs ailes ? Et ce don de soi, cette générosité, cette expression d’un désespoir profond ne méritent-ils pas notre respect, notre estime ? La vuelta chaleureuse effectuée par le torero de Jaen fut la juste récompense de son exploit.

Amis lecteurs, nous ne sommes pas là pour plaire ni pour éclairer mais pour dire ce que nous pensons. Voila ce qui nous habite à quelques heures du grand saut de l’embarque qui nous mènera de l’autre côté du fleuve, noir ce matin car lourd des nuages qui viennent de l’Atlantique. Aurons la force d’âme pour vivre avec la légèreté qui sied cette longue marche dans le sable alors que la tempête s’annonce ?

Pierre Vidal