Lors d’un récent déplacement à Salamanque, nous avons eu la chance de rencontrer la jeune novillera Raquel Martin que l’on a vu sans picador à Arzacq puis avec les castoreños à Arles et Garlin où elle n’avait pas réussi à se qualifier pour l’après-midi à quelques voix prêt. Raquel a vingt deux ans est une splendide jeune femme, souriante, qui poursuit ses études d’infirmières. Elle fait partie du cercle étroit des toreros femmes avec Olga Jimenez et Myriam Cabas et, si elle n’a pas eu la temporada qu’elle aurait souhaité cette année, elle a gardé sa vocation intacte. On devrait la revoir bientôt dans le sud-ouest dans ce qui serait un important événement.

Raquel Martin à Garlin Photo Gil Mir

Journaliste : Parlons de la temporada. Qu’est-ce que représente pour toi cette année qui vient de s’achever ?

Raquel Martin : Pour moi, c’était une temporada très importante. Oui, vraiment. C’est comme un anniversaire professionnel, une étape. Je pense que j’ai pris une direction claire, une évolution. Je l’ai vue dans ma façon de toréer, face aux animaux que j’ai affrontés. Et même si tout n’a pas été parfait, je suis satisfaite. J’espère que tout cela me servira beaucoup pour la saison qui arrive.

Journaliste : Tu dis que c’était une année compliquée aussi…

Raquel : Oui, compliquée dans l’attente, dans la patience. Tu travailles, tu te prépares, mais tout n’arrive pas au moment où tu veux. Il y a des moments qui t’arrêtent, d’autres qui t’ouvrent la porte. Mais globalement, je crois que tout ce que j’ai vécu va m’aider. C’est une année qui m’a apporté beaucoup d’enseignements. Beaucoup de campo aussi : j’ai toréé énormément, j’ai beaucoup appris.

Journaliste : Et comment vois-tu ta place en France ? Tu en parles avec une grande affection.

Raquel : Oui, la France… C’est spécial pour moi. Parce que le public français ressent les choses autrement. Il a une manière plus sensible de vivre la tauromachie. C’est un public qui écoute, qui respecte, qui observe. Quand un toro t’offre de la vérité, quand toi tu donnes la tienne, ils le comprennent tout de suite. J’ai beaucoup de gratitude pour ça. Je crois que mon chemin s’est aussi dessiné en France.

Journaliste : Pourtant, ce n’est pas toujours facile, justement parce que les Français regardent tout avec beaucoup d’attention…

Raquel : Oui, c’est vrai. Ce n’est pas facile. Parce que ce public ne se laisse pas séduire par le superflu : il veut la vérité. Et parfois, ça fait pression. Mais pour moi, cette pression est bonne. Elle te fait grandir.
Je me souviens d’un moment en particulier… La première fois à Arles, le public avait été très sincère avec moi. Ils avaient compris ce que je cherchais, ce que je voulais transmettre. Et c’est resté dans ma mémoire.

Journaliste : Tu évoques aussi le campo, l’importance d’y passer des heures…

Raquel : Oui, totalement. Je crois que tout ce que j’ai aujourd’hui, je l’ai gagné là-bas. Dans le campo, dans les tentaderos, avec les ganaderos, avec les amis. Le campo m’a donné la technique, la confiance. Et l’année qui vient… je sens qu’elle peut être très bonne. On travaille pour ça. On prépare les choses avec toute l’équipe. L’idée, c’est de faire une temporada complète, « redonda ».

Journaliste : Tu sembles reconnaissante envers ton entourage.

Raquel: Oui, parce que ce métier serait impossible sans eux. Ce que tu vis mentalement, physiquement, professionnellement… tout ça, tu ne peux pas le porter seul. Et j’ai la chance d’avoir des amis proches, des gens qui m’aident vraiment, qui me comprennent. Ça donne de la paix. Et la paix, dans ce métier, c’est de l’or.

Journaliste : Tu évoquais aussi Santa Coloma, et quelques toros un peu plus compliqués…

Torero : Oui, Santa Coloma, c’est un encaste spécial. Très particulier. Il y a des toros compliqués, qui demandent beaucoup de lucidité. Mais si tu arrives à t’entendre avec eux, ils peuvent te donner des moments très beaux. Mais oui, ce n’est pas facile.

Journaliste : Et… tu parles français par ailleurs ?

Torero : (Rires) Un tout petit peu. On dirait que j’ai vécu en France, mais non, jamais. À Nîmes non plus. À Arles, seulement pour les courses, pour les festivals. J’ai appris en écoutant, en partageant, en parlant avec les gens. C’est venu comme ça.

Journaliste : On va s’arrêter là ?

Torero : Oui, je crois qu’on a fait le tour. Merci beaucoup. Et merci au public français, vraiment. Pour le respect, pour la sensibilité, pour tout.

Itw Journaliste

Photos Roland Costedoat