Bonjour Hadrien Lucq. Tu as fait ta présentation en public il y a quelques mois à Mugron. Nous allons aborder le passé et l’avenir. Peux-tu commencer par te présenter ?

-J’ai 20 ans, j’habite à Mugron et je suis élève au sein de l’école taurine Adour Aficion du maestro Richard Milian depuis 8 ans. J’ai effectivement débuté en tant que novillero sans picador le 10 avril à Mugron.

Quelle est ton “alternative” professionnelle ? 

-Je suis actuellement en troisième année de licence LLCER espagnol à l’université de Pau et des pays de l’Adour.

Quelle différence y a t-il entre être en apprentissage et devenir novillero ?

-Je pense qu’il n’y a pas de différence mais plutôt une chose qui lie l’apprentissage et le fait de devenir novillero; on apprend tout le temps, tant dans l’arène que dans la vie de tous les jours, au contact de n’importe quelle personne. L’arène est le reflet de ce que l’on est dans la vie. Le maestro Espartaco dit qu’il apprend de tout le monde, même d’un enfant. Tout est dit, nous sommes tous en constant apprentissage, même les grands maestros;  il n’y a pas d’homme plus fort qu’un autre surtout quand il s’agit de se mettre devant un toro. Dans le milieu des toros, la remise en question est essentielle pour bien évoluer et progresser, c’est pourquoi seules les personnes hors normes y arrivent.  

Après tes premières novilladas, quels sont les retours ?

-Suite à mes débuts le 10 avril dernier à Mugron, j’ai eu des retours plutôt positifs de la part des gens qui me soutiennent bien sûr mais aussi de personnes extérieures. Cela a été une matinée importante pour moi, car je me produisais chez moi, devant ma famille, mes copains. j’ai surtout essayé de montrer de l’envie et ce qui m’anime au plus profond de moi même, c’est-à-dire le bonheur de porter le costume de lumière, ce pourquoi je me prépare depuis des années. Je me suis surpris moi même, et j’ai osé tenter des choses qui ne me ressemblent pas forcément (le coup de la chaise par exemple). Cela restera un jour inoubliable pour moi car il marque le début des choses sérieuses et d’une aventure qui je l’espère durera le plus longtemps possible. J’ai eu également l’opportunité de toréer à Tarascon le 8 juillet dernier. J’ai un regard plutôt critique vis à vis de moi même; dans la vie je suis quelqu’un de discret et de parfois peu expressif. Je sais qu’il faut que je développe notamment mon imagination, le côté spectacle et que j’acquière une assise et une esthétique pour pouvoir donner davantage de poids et d’importance à ma tauromachie. 

Est-ce que ton frère t’apporte un soutien et un regard extérieur à tes prestations ? 

-Bien sûr ! C’est à la fois mon frère mais aussi un confident qui comprend ce que je peux ressentir, car lui même c’est ce que c’est. Il me transmet l’expérience qu’il a pu avoir face aux toros. C’est une personne très importante à mes yeux car je sais qu’il ne me mentira jamais et garde un œil objectif sur tout ce que je fais. Quand je ne suis pas bon, il me le dit et m’explique le pourquoi du comment, ce que je n’ai pas su faire ou ce qu’il m’a manqué à un moment donné. Mais il sait aussi reconnaître comme toutes les personnes justes quand il y a du positif. En bref, il me connait par cœur !

Le soutien familial est t-il important pour toi ?

-C’est essentiel. Sans soutien familial, je pense qu’il est quasi impossible d’entreprendre quelque chose. Mes parents m’ont toujours soutenu dans tout ce que j’ai pu entreprendre et notamment quand je leur ai dit que je voulais être torero et aller à l’école taurine du maestro Richard Milian. C’est une chance d’avoir des parents qui me soutiennent, car ce n’est pas toujours le cas. Ils me laissent vivre ma passion comme je l’entends et je les en remercie, c’est eux qui depuis mes débuts font des kilomètres pour que je puisse au mieux assouvir cette passion et cette volonté d’être torero.  

-Tu seras en concurrence pour la première fois à Rion des Landes face à Pablo Hernandez et Hugo Tarbelli. Comment abordes-tu cette novillada du matin face à tes deux camarades d’Adour Aficion ?

-A vrai dire, c’est une novillada comme les autres, ça sera ma troisième et ma seconde dans le Sud Ouest. Je ne me mets pas de pression supplémentaire. Je l’aborde avec beaucoup d’envie, de détermination et comme une nouvelle occasion de montrer ma personnalité et la manière dont je veux toréer, tout en m’adaptant à l’adversaire auquel je ferai face ce jour-là.. Il y aura forcément de la competencia entre nous trois; nous avons chacun un style de tauromachie différent, ce qui permettra au public de découvrir chacun d’entre nous. Rion des Landes est une arène de référence dans la catégorie des novilladas sans picadors, de  grands matadors sont passés par là, donc j’espère que cela sera une bonne matinée pour tout le monde tant pour le public, mes compagnons et moi-même. 

Comment vois-tu ton avenir ?

Je prends les choses comme elles viennent tout en me préparant avec sérieux. Je suis incapable de dire ce qu’il va se passer dans un futur plus ou moins proche, surtout quand il s’agit de tauromachie mais j’espère aller le plus loin possible. Les maîtres mots dans les toros sont imprévu et adaptation. On est dans le flou mais ce n’est pas grave, on y va et on verra après, c’est ce qui fait à la fois la difficulté et la richesse de ce milieu. On rêve tous et c’est tant mieux mais, quoi qu’il en soit, il ne faut jamais perdre de vue que cette vocation est impitoyable et que le toro remet chacun à sa place. 

Portrait chinois:

Si tu étais un encaste ou un élevage, tu serais ?

C’est difficile de se définir en tant qu’encaste ou élevage. Je dirais un élevage qui permet aux toreros de s’exprimer et de pouvoir bien toréer. 

Si tu étais une figura, tu serais laquelle et pourquoi ?

Le maestro José Tomas. On peut se demander si c’est un mythe ou une réalité parfois. J’aime beaucoup le côté mystique, ermite qu’il entretient. Il ne fait jamais parler de lui, sauf dans l’arène c’est-à-dire là où c’est le plus important. Ce sang froid, ce courage à tout épreuve fait de lui un samouraï des temps modernes, sa tauromachie avec beaucoup de profondeur, assumant  tout ce que les toros lui ont donné, aussi bien les triomphes que les coups de corne. Je repense notamment à ces inoubliables tardes à Madrid…incroyable !

Si tu étais une arène, tu serais ?

Sans hésiter Mugron ! Tout simplement parce que c’est une arène que je commence à bien connaître: j’ai vu mes premiers spectacles taurins dans ce ruedo, course landaise pour les fêtes et tauromachie espagnole durant les Pâques Taurines. C’est aussi là où j’ai fait mes débuts en habit de lumière, j’ai vu mon frère Jean-Baptiste débuter aussi sur ce même sable, et puis mon grand père maternel qui était sauteur landais y a réalisé de nombreux sauts périlleux. C’est un lieu dans lequel je m’entraîne régulièrement, et où je me suis entrainé plus d’une fois avec mon frère, c’est un peu ma seconde maison. De plus, ce sont de belles arènes, toujours bien fleuries avec une piste bien entretenue, et ce, grâce aux membres de la Peña Taurine Mugronnaise.

Si tu étais un objet taurin ?

Je pense que je serai un objet assez discret qui accompagne toujours le torero: la timbale dans laquelle le matador boit, c’est un objet indispensable, en plus, elle peut avoir plus ou moins de valeur pour le torero et une histoire particulière.  

Si tu étais une passe ?

Une naturelle avec beaucoup de profondeur de Angel Tellez ou de Paco Ureña. 

Si tu étais un pasodoble ? 

Pasodoble “forcados do Sul” de David Lourenço Costa à condition qu’il soit joué par l’harmonie Mugronnaise”

Interview et photos Nicolas Couffignal

PS Merci pour cet échange à Hadrien et suerte pour dimanche. Venez nombreux à Rion le 20 Aout 2023. Les coordonnées de réservation et les cartels complets de la journée ci dessus