En ce début d’année nous vous proposons de poursuivre la lecture de ces livres taurins qui ont paru récemment et qui nous passionnent. C’est le cas de cet ouvrage d’Antonio Arévalo: « Les trois grands de la tauromachie française » : Nimeño II, Juan Bautista et Sébastien Castella. Le premier, Nimeño, fut une sorte de précurseur qui ouvrit la route, le second obtint la consécration suprême, le troisième fit valoir une manière inspirée de ce qu’il y a de meilleur dans ce que l’on nomme le « génie français ». Débutons donc avec Alain Montcouquiol, le frère de Christian le héros glorieux décédé le 25 novembre 1991. Il fut son mentor, l’accompagnant partout.
Il évoque sous la plume d’Antonio les dures rencontres qui furent imposées au matador nîmois:
–Les toreros ne se souviennent pas que du très bon toro qui leur a permis de couper les oreilles et la queue mais plutôt de celui qui les a fait douter, avoir très peur, qu’ils ont réussi à dominer et avec lequel ils ont finalement triomphé. Ce toro on ne l’oublie jamais, le toro important c’est celui-là. Christian en a toréé beaucoup de ceux-là.
—Mais il y a dû y en avoir aussi pas mal où il n’y avait pas grand-chose à faire.
-Je vais vous dire, pas tout le monde ne l’a remarqué, quand Christian tombait sur un de ces toros grands et mauvais, dont tu sais qu’il ne t’aidera pas, qu’il ne chargera ni à gauche, ni à droite, ni par le haut, ni par le bas, qui donne des coups de tête sur les côtés, il les a tous bien tués, ou du moins essayé. L’engagement était le même alors qu’il n’y avait pas eu de faena, qu’il n’allait pas y avoir de trophées. Pourquoi le faisait-il ? Je trouvais ça très beau, encore une fois ça répondait à sa conception de la tauromachie. Je l’ai aussi remarqué chez Paquirri, que j’ai beaucoup vu toréer et qui a été rarement sifflé à la mise à mort. Christian et Paquirri s’entendaient bien. Un jour qu’ils étaient aux arènes de Valencia, Paquirri lui a dit quelque chose qui a énormément marqué Christian. Ils parlaient entre eux de la difficulté de toréer quand Christian lui a demandé pourquoi il se mettait à genoux à la sortie du toro : « pour que mes enfants n’aient pas à souffrir ce que j’ai souffert ». Paquirri lui a parlé de son enfance, d’où il venait, mais la phrase clé a été celle-ci : « écoute Christian, je vais te dire quelque chose d’important : le plus facile dans la vie c’est d’abandonner». Christian s’en est rappelé un million de fois et moi qui me dégonfle souvent, je sais que c’est vrai.
—Avec quels autres toreros s’entendait bien Christian ?
–Il faisait sa vie, on était un peu comme un couple et si tu passes trop de temps ensemble ça peut se gâcher. Il avait ses amis, ses aventures, je ne m’en mêlais pas. Je pense à un autre torero avec qui il a eu une très forte amitié : David Silveti. Il chantait très bien, il avait une très belle voix et quand ils se mettaient à trois ou quatre à jouer des corridos mexicains, moi j’étais dans mon coin et je me disais : quelle chance j’ai de pouvoir vivre ça !
—Parlons du public, de Madrid par exemple.
–Au début, il avait peur que les gens pensent ou disent « on va aller voir le Français », mais il n’en a pas beaucoup souffert. Je vais vous raconter une anecdote qui me concerne, du jour où j’ai débuté en piquée en Espagne. C’était à Saragosse, je fais le paseo et on entend une voix gueuler dans les gradins, à mon attention : « Salut ! Napoléooon ! » Je l’aurais bien étranglé ! Pour en revenir à Madrid, Christian a toujours été respecté, qu’il ait été bien ou mal.