Si Marcel Proust était «  A La Recherche du Temps Perdu », Jerez est bel et bien à la recherche de son aficion perdue et la corrida de ce soir n’en est que la triste preuve : Un public réclamant à contre sens des trophées indus et ovationnant des mansos, sosos et décastés, Une présidence arrivant avec presque dix minutes de retard au palco et octroyant les oreilles avant même que le torero ne l’ait saluée et tout à l’avenant. La fondation CULTURA TAURINA qui vient de se voir accorder par la Mairie de Jerez la création du premier Centre de Divulgation et d’Apprentissage de la Culture Taurine, a bien du travail devant elle pour restaurer cette aficion jerezana qui fut jadis au plus haut niveau.

Revenons à notre corrida de ce soir : Six toros de Jandilla, totalement décastés d’une présentation indigne d’une place de seconde catégorie ( 450 à 500 kg), d’armures commodes avec un fort soupçon de passage au barbier, six piques symboliques voire inexistantes, ce qui fit crier par un spectateur au dernier toro, le plus léger, que nous assistions à une novillada non piqué. Et l’on n’était pas loin de la réalité. Pour :

Alejandro TALAVANTE deux oreilles (pétition minoritaire) et salut,
Andres ROCA REY une oreille et deux oreilles,
Pablo AGUADO silence et une oreille.

Salut de Javier Ambel au quatrième.

Inutile de préciser que ce tableau ne reflète en rien ce que les aficionados un peu éclairés ont ressenti.

TALAVANTE accueille son premier par delantales somme toute de bonne facture. Le piquero perd l’équilibre à peine a – il effleuré le dos de l’animal très en arrière et nous en resterons là pour le premier tiers. La première série de statuaires est élégante et se laisse regarder même si l’on sent l’animal faible. La première série à droite se fait entre les génuflexions de l’animal. Par la suite TALAVANTE travaillera à mi-hauteur tant à droite qu’a à gauche évitant habilement les chutes. La faena est sans émotion ni transmission mais le public est avide de triomphe et applaudira pour se faire plaisir et obtiendra deux oreilles après une épée en arrière largement tombée. A son second toro, on remarquera deux superbes paires de banderilles de Javier AMBEL qui saluera et ce sera le mieux avec peut être l’entame par doblones, après, la messe est dite : plus ennuyeux tu meurs !!! La mise à mort est difficile ce qui limitera les récompenses à un salut mais la sortie en triomphe est assurée et Simon Casas son apoderado jubile !
Andres Roca Rey est la coqueluche du public le seul fait pour lui de fouler l’albero et c’est le triomphe assuré. Son premier toro en fait de pique prend deux refilons au passage c’est un manso de gala mais la première série habilement donnée en rond suffit à déclencher les passions. Le péruvien est un bon connaisseur de ce type de toro il sait les garder dans sa muleta et exploiter le petit fond de noblesse de l’animal ce qui fait rugir les étagères. La dernière série de bernardinas se finit par un désarmé mais le public applaudit à tout rompre lorsque le torero ramasse la flanelle souillée. La mise à mort un pinchazo et une entière desprendida ne permet de couper qu’une oreille avec ici encore une pétition largement minoritaire ; un avis pour temps largement dépassé avait été sonné copieusement sifflé par le respectable qui en l’occurrence l’est fort peu.

Le cinquième est un »mastodonte » de 500 kilos de mansedumbre horriblement mal et peu piqué. L’entame par statuaires est intéressante. Par la suite on voit que dès que le torero tente de peser sur son adversaire, celui-ci proteste. Roca Rey n’insiste pas et laisse sortir seul l’animal de chaque passe, manso il est, manso il reste mais peu de spectateurs s’en aperçoivent et les autres sont persuadés avoir à faire au toro de l’année. Toute la faena se déroulera ainsi en allant vers la querencia. Bien évidemment à l’heure de tuer les choses se compliquent et le torero est bousculé dans une tentative de manoletinas, il en ressort avec l’ovation du public et même si il lui faudra un demi-tour d’arène pour fixer enfin l’animal et lui infliger une entière en avant, rien ne l’empêche de couper deux oreilles, la première tombant même avant que le président ne se lève pour répondre à son salut.

Pablo AGUADO est passé en demie teinte à son premier aussi indigent que les autres il donnera quelques bonnes naturelles templées et tentera beaucoup dans l’incompréhension populaire. La mise à mort est en deux temps un pinchazo et une entière delantera provocant une forte hémorragie buccale : silence.

Son second, le novillo non piqué dont nous parlions plus haut, cherche lui aussi l’abri des planches. Outre la couardise, l’animal est aussi de peu de forces et ne peut répéter les charges c’est donc à une faena d’une en une que se livre AGUADO. Les passes sont propres templées et bien dessinées mais il manque l’émotion. Ici encore un pinchazo et une entière bien portée et en place mais longue à agir ne lui permettront que de couper une oreille, le privant de la grande porte avec ses deux compagnons de cartel.
Demain est un autre jour espérons mieux mais sans trop y croire des Juan Pedro.

Jean DUPIN