
Tardes de Soledad , n’en déplaise aux tenants des retransmissions télévisuelles n’est pas un documentaire. Voilà la première vérité qu’assène ce film magnifique et dur. Lors de la projection d’hier soir à La Rochelle en présence du réalisateur, on a vécu des moments d’une assez réjouiissante diversité: il y avait dans la très nombreuse assistance de quoi tracer des portraits d’aficionados proches de la caricature: »Monsieur votre film m’a énormément déplu dit l’un, la soixantaine bien tassée, j’ai vu beaucoup de corridas, ce n’est pas come ça qu’il faut voir la tauromachie, et puis d’ailleuirs je déteste Roca Rey… etc etc.
Une autre, j’ai filmé pour la télévision des corridas à Bayonne et à Béziers,j’ai vu aussi le 16 septembre 2002 à Nimes la plus belle corrida possible et donc je ny vais plus…
Le malheureux Albert Serra était coi!
Alors que d’autres, enthousiasmés par l’émouvant montage, une bande son absolument formidable, pas de musique, le bruit la rumeur la fureur,la répétition de scènes impossibles à prévoir.. Allez donc monter un scenario pour diriger les deux acteurs, toro et torero. Vous me suivez?
Imaginez aussi que le Réalisateur soit gêné par les exigences supposées du Matador, qu’adviendrait il de ce film qui ne veut qu’une chose, montrer le réel, les coups du sort, tout le temps heureux, chanceux malgré des chocs effarants, dont un épinglage du toro sur Roca à la barrière pas loin du tendido 7 qui l’insulte et là, la mort possible mais évitée, se taisent.
A un autre moment, merveille absolue de la tehnique sonore, tous les intervenants cuadrilla, torero, picador équipés de micros ultra sensibles cousus dans leur costumes, on entend, durant trois naturelles que l’on voit fort bien , réalisées un peu moins bien, on entend une fille hurler »Tenga miedo! »( Il a Peur) et aussitôt en contrepoint, le regard fou de Roca qui se bat depuis un moment avec ce manso impossible comprend que la fille a raison non sur sa peur mais sur son toreo imparfait,et là, il y a un grand plan séquence ou, sans jouer , Roca est un acteur au sens propre du mot.Notons qu’on ne voit JAMAIS le public .
On est tout le temps dans le réel si dur, si fort, que peut être m’a t il manqué et je l’ai dit à Albert Serra, d’avoir montré un peu plus l’oxymore taurin par excellence,la douce violence.
Mais revenons à notre sujet, il faut aller voir ce film en cinéphile et si on y va en aficionado à los toros il faut accepter le parti pris de ce qu’ implique le cinéma, une construction, un montage, une bande son une esthetique superbe , une impudeur totale, et d’ailleurs Roca Rey avait laissé toute liberté à l’quipe de tournage.
On voit la fraternité, l’amitié, l’admiration et la grossièreté » à l’espagnole », des dialogues de PUTA MADRE! de Hijo de puta,
On n’est à aucun moment dans une académie de danse! On torée, on risque la MORT, on la donne, plus ou moins bien, En Public, Scandale assumé, Fermez le banc.
Ce film a été récompensé en Espagne par les taurins.

Favoriserait il les positions anti corrida, et les Opposants à cet Art se sentiront ils confortés dans leur jugements? En aucun cas , ils ont déjà triché pour parler de notre passion et la plus claire argumentation favorable àu film consiste à dire, comme son réalisateur: « Jai fait un film sur le déroulement de cinq corridas, Madrid, Séville, etc…Je ne suis ni pour ni contre la corrida, j’ai filmé avec mon regard neutre un être quelquefois si seul qu’il en est transparent, pas de fiction, la réalité » .
Contrairement à ce que j’ai pu lire ici sur ce film, on a des séries de naturelles entières, au ras des cornes, peu de cape, éviter l’ envol vers le joli, des costumes rouge et Azabache seul choix guidé par le cinéaste, des sorties des arènes sans triomphe mais après passage à l’infirmerie en tenue de pyjama hospitalier, les larmes de certains peones, leur admiration pour ce torero qui a les couilles plus grosses que l’arène toute entière .(Dixit Viruta, banderillero)
Mais, évidemment , si vous êtes assez sots pour détester Roca Rey comme Madrid le fait et l’a fait naguère pour Juli ou d’autres… N’ y allez pas, mais tant pis pour vous.
Grand FILM, pas pour grand public , et encore, justement, je me trompe peut-être.
Jean François Nevière