Faut-il s’inquiéter des récentes attaques contre la corrida en Amérique Latine et en Espagne ? La réponse est oui. Oui l’avenir est sombre et notre culture est menacée dans son existence même. Le cours de l’Histoire n’appartient pas à Madame Soleil mais il ne fait aucun doute que nous sommes dans une passe difficile et que le danger est mortel même si l’issue n’est pas écrite. Que deviendrait en effet la culture taurine en France si elle disparaissait en Amérique Latine, comme c’est probable et en Espagne si les menaces se concrétisaient ? Elle serait engloutie tellement nous sommes interconnectés.

La tauromachie est une variable d’ajustement. Elle est utilisée par une classe politique désorientée par la montée des tensions. Elle sert de leurre pour protéger des avantages, ou pour détourner les citoyens des vrais problèmes auxquelles ils sont confrontés : la défense des libertés, le pouvoir d’achat, la sécurité. Le Mexique pays qui fut une démocratie avant sa prise en main par les « narcos » en est un exemple patent. La violence, la corruption, la drogue y ont détruit la société civile. Le pouvoir veut donc se refaire une sorte de virginité en instaurant l’interdiction de la corrida qui est en réalité la marque de la décomposition d’un système contraint, de plus, par l’agressivité nouvelle du voisin « trumpiste ». Qui peut croire que la suppression de la corrida va arranger les problèmes de ce pays dévasté ? Il en est de même pour la Colombie…

La situation espagnole, elle aussi, est inquiétante. Le pouvoir actuel se maintient grâce à une alliance disparaître entre partis indépendantistes ou       d’extrême gauche qui en réalité ne sont d’accord que sur peu de choses. Il faut donc donner des gages aux uns et aux autres : la corrida en est un et le mépris radical du ministre de la culture Urtasun à l’égard des taurins en est le signe patent. Désormais le processus supprimant la notion de Patrimoine Mondial Immatériel accordée à la corrida est en cours. Il est probable que par le jeu de ces alliances il soit supprimé. Tout serait alors possible et même à court terme l’interdiction pure et simple de la corrida, région par région, soutenue par la majorité de la société civile comme le montre les sondages.

Dans les temps troublés les minorités culturelles ont toujours été opprimées, décimées. C’est une leçon de l’Histoire. Dans une de ces tempêtes il faut, pour résoudre la crise, une victime expiatoire, sacrificielle, comme l’aurait dit le philosophe René Girard ; c’est le mécanisme du « désir mimétique ». L’animalisme ayant pris la place de l’humanisme la corrida est la cible idéale.

La présence de martin-pêcheurs est le signe d’un ruisseau aux eaux pures ; quand elles sont polluées ces animaux disparaissent. Il en est de même du lien entre corrida et démocratie : si une société n’est pas capable d’accepter une pratique minoritaire, si elle souhaite l’interdire c’est tout simplement que son système est corrodé et que la démocratie -enjeu majeur des turbulences que nous subissons- est compromise. L’élégant martin-pêcheur au plumage bleuté, au vol tendu et gracile aura alors déserté nos berges en compagnie de la démocratie pour des eaux limpides.

Pierre Vidal