
L’ état mexicain du Michoacan vient de voir interdire la pratique de la corrida, par un juge ou un gouverneur ou un narco quelconque, cet état fantastiquement beau et taurin dont le dr Ramirez récemment disparu était propriétaire du plus beau et riche musée taurin privé du monde. Son arène, Palacio de Arte ne verra sans doute pas s’ y produire le fils de Morelia, Isaac Fonseca, formidable torero ( au sens étymologique « qui fait peur ») et le minimum que nous puissions faire est de chanter ses louanges, de dire ses mérites son art et son courage exceptionnels.
Hier à Madrid, à Las Ventas il partageait le cartel avec Roman Collado, torero franco- espagnol de Valencia, et Jesus Enrique Colombo, torero ardent et explosif du Vénézuela. De cette corrida de Pedraza de Yeltes on gardera des images inoubliables.
Une bonne faena de Roman à son premier, un fracaso à l’épée à son second, deux grandes estocades et des banderilles sans reproche pour les deux toros de Colombo…Résultat : une vuelta à Roman et une vuelta qui méritait l’oreille à Colombo.
Il se mit à pleuvoir, fort, tres fort au premier toro d’Isaac Fonseca, un noir moins dans le type que ses frères colorados .Oublions le.
Mais le 6éme, mes enfants! le sixième ! un autobus, un torpilleur, pour un grand petit homme d’un métre soixante cinq, avec cette face de méso- américain dont les origines indiennes annoncent l »obstination, la volonté matinée de douceur, de ce « quoi qu’il arrive » annoncé par le regard et la démarche.
Brindis au public au centre du ruedo et départ en appuyant ses pas dans le sable trempé de l’arène jusqu’à la deuxième ligne de pique. Avant cela, Fonseca a reconnu dans cet animal énorme , armé haut et brave la possibilité de trois piques de loin, un grand bonheur pour le public debout: Isaac part donc du centre vers le toro, démarche assurée, se plante à genoux dans le sable mouillé, et fait passer cinq fois autour de lui le Pedraza de Yeltes , un toro de légende, « Brigadier », havane clair 667 kg, un noble animal mais un bolide, un fauve, un bon sauvage, si vous voulez réduire le mérite du torero.
isaac Fonseca a tout osé avec goût et courage, s’est blessé probablement avec le fer d’une banderille ; tombé, il a mis du temps à se relever ou plutôt à être relevé, le toro était » a tablas » le petit indien reprend l’épée. L’ animal collé aux planches, pas d’autre choix que de le tuer là, avec pour seule échappatoire que la sortie sur la corne droite au-dessus de laquelle bien entendu il ne peut passer. Il fonce donc entre les cornes et s’envole hors des pitons, le toro meurt, fin du drame, fin du chef d’œuvre, vuelta au toro oreille au torero : que vivan los toros !
Isaac Fonseca, grand petit homme, little big man, petit indien admirable.
Jean-François Neviere
Co président de l’Association Mexico Aztecas y Toros