Effectivement comme le soulignent les chroniqueurs la saison s’annonce très bien avec des arènes très bien remplies, voire pleines quand Roca Rey est à l’affiche, Castella en pleine forme et….Juan Ortega.
Nous avions fait le déplacement à Castellón pour assister au grand cartel andalou du 9 mars Morante-Ortega-Aguado, toros de Domingo Hernandez, un cartel rarissime, voir inédit. Et bien nous n’avons pas été déçu du tout : D’abord les arènes étaient remplies aux trois quarts, et surtout remplies de l’aficion au toreo d’art. Chaque frémissement d’une cape ou de l’étoffe rouge par l’un des trois artistes créait une attente attendrie et des Olés venant des profondeurs. Bien sûr les taureaux n’étaient pas ceux de Céret ou de Vic, bien sûr ils n’offrirent que peu de jeu, mais nous en avons un peu assez de lire toutes ces jérémiades sur le comportement des taureaux en piste. Ce sont des êtres vivants sauvages et à ce titre ils font ce qu’ils veulent en piste.
S’ils ont envie de se battre, ils se battent, s’ils ne le sentent pas, ils ne se battent pas. S’ils n’ont pas envie de suivre inlassablement l’étoffe rouge, ils ne la suivent pas inlassablement. Il faut respecter les taureaux comme nous respectons les toreros, ce ne sont pas des automates. Et puis les Domingo Hernandez n’ont jamais eu la réputation d’être des batailleurs.
Morante n’a pas été au rendez-vous, lui qui trône depuis la dernière feria de Séville en haut du mont Olympe. Trois véroniques et puis basta. Morante de tous les jours, comme il y a deux ans et l’année dernière c’est fini. Il faut maintenant lui souhaiter une fin de carrière à la Curro Romero. Trois passes de cape par an et une grande faena tous les trois ans suffiront à notre souvenir.
Le Génie de La Puebla versus le Pharaon de Camas, cela sonne bien.
Puis Juan Ortega : Une cape exigeante, contraignante à son second taureau, terminée par une cape artistique en « arrêtant le temps ». Et puis un début de faena par trincherillas marchées pour amener le taureau au milieu de la piste. Public début. Cela fait longtemps que je n’avais vu un aussi beau début de travail à la muleta.
Après, malheureusement, Juan n’arrive pas à dominer ses taureaux, ce qui rend ses faenas décousues, et simplement de détails. Dommage. Y arrivera-t-il un jour ? sans doute jamais disent certains spécialistes car il n’a pas en lui cette volonté quasi animale de réduire le taureau à sa propre volonté. Sa tauromachie est trop douce, le taureau sent cette fragilité et, au fur et à mesure, lui « monte dessus » comme l’on dit.
Ce n’est pas une question de sitio, c’est une question de dominio car ce n’est pas facile de caresser le visage du taureau avec sa cape comme Véronique l’a fait avec celui de Jésus, pour après le réduire afin de mieux le tuer. Seul Morante des grands jours sait le faire.
N’empêche, on a retrouvé en Juan Ortega un immense capeador, digne de Rafael de Paula. Il vaut le voyage comme dirait le guide Michelin Vert. Viva la Esperanza de Triana. Et puis Pablo Aguado, sans doute le plus complet, le plus doué pour le temple, aussi bien à la cape qu’à la muleta, mais aussi sans doute celui des trois qui prend le plus de précautions en toréant trop de profil, ce qui est dommage.
Il sait torer de cape, il sait dominer les taureaux. Il sait templer. Il sait tuer. Un jour il se centrera. Il fera on l’espère de grandes et belles choses andalouses, ces faenas dominatrices avec quelques détails mouvants inspirés par la Macarena. Nous attendons tous sa résurrection.
C’est la bonne semaine. Saura-t-il en profiter ?
En attendant ce jour nous irons voir toréer Juan Ortega toujours et partout, nous iront tous les trois ans voir Morante à Séville pour son mano a mano nostalgique avec Curro, et nous irons voir Pablo Aguado de temps en temps pour savoir où il en est.
EXIR
PS La semaine suivant Castellon Juan Ortega a été, à Valence, une nouvelle fois grandissime à la cape.