Edouard Manet « Le torero Mort »

 » La lettre aux aficionados » écrite par Juan Leal, a eu un large écho et un profond retentissement ici et ailleurs. Il m’avait été conseillé de ne pas la publier. Je n’ai pas hésité à le faire et je ne le regrette pas. Nous sommes un site indépendant, libre et tout le monde peut y prendre la parole à condition que les choses soient dites avec respect, sans haine ni méchanceté. Ce qui est le cas dans cette missive de Juan Leal, tout le monde en conviendra.

Journaliste professionnel depuis 48 ans (carte n° 44 321) je me distingue de la cohorte des revisteros d’occasion qui se réclame un peu vite de cette profession. Le journalisme est un métier dont nul ne peut se prévaloir indument -c’est illégal, rappelons-le au passage- qui comporte des responsabilités, des devoirs et des risques. Il faut l’exercer dans les règles déontologiques fixées par la chartre de cette profession. Cela vaut pour l’information taurine aussi.

De ce point de vue, il est naturel qu’un torero s’exprime librement sur sa tristesse, son amertume, son sentiment d’injustice. Nous le ferions pour un éleveur, un organisateur, un apoderado, etc. Les toreros sont au cœur de la Fiesta. Ce sont des artistes, des créateurs, et on a vu à Paris qu’ils étaient les plus convaincants pour ce qui est de défendre notre passion. Leur engagement, leur générosité, leurs sacrifices méritent notre considération avant tout. Ils ont d’autres choses à dire que des sempiternels commentaires techniques. Il faut les écouter et les entendre.

Les temps ont changé, les mentalités –et le fonctionnement- du milieu taurin doivent évoluer elles aussi si on veut assurer la pérennité de la corrida perpétuellement contestée, rappelons-le. Il y a chez l’aficionado un désir de transparence, une volonté de comprendre le pourquoi des choses et un souci d’équité. Ce ne pas se renier que d’y faire droit. Il n’est pas facile non plus, il faut en convenir, d’assurer la continuité, l’avenir de la culture tauromachique en des lieux cruciaux pour son futur. Il faut donc entendre les arguments de chacune des parties.

Les mérites de Juan Leal ne peuvent être contestés. Ce sont des faits. Il a payé cher le droit d’être un torero reconnu, invité dans les plus grandes férias en France comme en Espagne (Madrid, Bilbao, Pampelune notamment). Combien de coup de cornes ? Combien de gestes héroïques ? Il a un concept du toreo bien précis qui s’inspire du maestro Ojeda, torero d’époque s’il en est. Le Sanluqueño consacré par le public, dut affronter lui aussi en son temps une minorité critique que tout le monde a oubliée aujourd’hui.

A la pression physique inhérente au métier de torero, s’ajoute la dureté morale d’une profession soumise aux pressions multiples et parfois à l’injustice. Face à tant d’exigences, un seul mot : respect !

Pierre Vidal