Les arènes du Puerto étaient presque pleines pour cette dernière d’abono, Trois toros d’El Freixo, la ganaderia d’El Juli et trois de Jandilla bien présentés (505 à 570 kg.) plutôt décastés mais pouvant donner du jeu, noblissime le cinquième pour :
Jose Antonio Morante de la Puebla: salut et bronca de gala
Jose Mari Manzanares: une oreille et deux oreilles
Pablo Aguado: oreille et oreille
La corrida de toros réserve bien des surprises, dans la voiture en allant de Jerez au Puerto nous faisions des plans sur la comète à propos de la tarde qui nous attendait: Morante allait il servir Manzanares ? passerait il une autre soirée tranquille au coin du burladero sinon du feu ? Aguado nous ferait-il rêver ? Rien de cela et pourtant, des surprises il y eut.
Morante n’est pas dans un grand moment, à son premier de Freixo, le plus lourd du lot qui frappe fort dans les planches et renverse la pièce montée, il se contentera d’un quite par véroniques et de quelques passes templées mais d’une en une sur les deux bords. L’estocade défectueuse ne lui permettra que de saluer un public tout acquis à sa cause. Mais la ferveur populaire peut être versatile et la roche Tarpéienne est bien proche du Capitole. Morante refuse de voir son second et s’en débarrasse de la pire manière après deux simulacres de passe. La fureur est à son comble et le Lévante a du faire retentir la bronca dans toute la province et au-delà.
Ce même Lévante qui a soufflé fort toute la soirée et copieusement gêné les toreros, oblige Manzanares à baisser la main et le toro le suit dans l’exercice donnant de longues et bonnes passes à droite du moins. A gauche l’animal ne se livre pas et sort la tête haute. Revenant à droite pour le final, l’alicantino lie une superbe série de circulaires très profondes. L’estocade est concluante et permet l’octroi du premier trophée de la soirée.
Au second les choses commencent mal. Certes le salut au capote par véronique est beau, mais le toros de Jandilla prend deux piques en grand manso qu’il est. A la muleta la sortie du premier doblon se termine par un galopade jusqu’à la porte du toril dont les banderilleros on le plus grand mal à le sortir. Certainement piqué au vif, Manzanares baisse la main et embarque le toro dans une grande série droitière et là, miracle, le toro joue le jeu, il baisse la tête et sort en fin de série dans une immense passe de poitrine. La musique joue Concha Flamenca, le paso-doble préféré de Jose Mari, le vent souffle à décorner les bœufs, la muleta à l’horizontale Manzanares s’arrime. Il continue de baisser la main et le manso se révèle d’une noblesse infinie. Il charge à l’envie dans cette muleta qui l’hypnotise. La faena atteint des sommets de lenteur et de profondeur dans un ballet parfait. Jose Mari Manzanares signe là l’une de ses meilleures faena de l’année sinon la meilleure et nous rappelle qu’il est toujours ce grand torero. L’estocade est parfaite et la pétition aux cris de torero torero se conclut par l’octroi des deux oreilles.
Pablo Aguado qui n’est pas le mieux servi au sorteo passe une soirée en demi teinte avec de très bons détails au capote et à la muleta, meilleur à son second qu’à son premier. Le fait notable et la très bonne surprise de la soirée sont ses deux estocades qui, si elles ne sont pas exceptionnelles, ont le mérite d’être efficaces et au premier essai. C’est si rare chez le sévillan que l’on ne peut que s’en réjouir et espérer que ce soit la fin d’une longue série d’oreilles perdues par la faute des aciers.
En conclusion de ce cycle portuense il est surprenant de constater que les deux meilleures faena auront été à deux mansos celle de Luque l’autre jour et celle de Manzanares ce soir. Dimanche prochain nouveau grand rendez vous taurin dans la province de Cadiz : la corrida de Miura à Sanlucar de Barameda pour El Cid, Manuel Escribano et Esau Fernandez.
Jean Dupin