Andrés Roca Rey sera cité deux fois ce week-end en France. Vendredi il sera à Saint Gilles pour une corrida des adieux de Thomas Joubert -il y aura une note d’émotion- et dimanche à Bayonne pour une clôture que l’on souhaite d’apothéose. Nous verrons alors si le Péruvien remplit les arènes de Lachepaillet comme l’avait fait José Tomas en son temps -sans mettre le « No hay billetes » pour quelques dizaines d’entrées manquantes.
Andrés a démontré sa force lors de la Semana Grande de Bilbao. Les deux jours où il s’est produit le coso de Vista Allegre a frôlé le plein sans y arriver tout à fait. L’ensemble compte 15 000 places tout de même… Tous les autres jours de cette semaine des Corridas Generales ont été minables du point de vue du public : autour d’un quart d’arène, parfois moins. C’est donc bien le Numéro Un au sens où on l’entend dans notre jargon : c’est-à-dire le plus taquillero, celui qui attire le plus de public. Ce n’est pas une mince qualité que de susciter ce désir dans les masses et particulièrement chez les jeunes qui, pour le voir, sont prêts à casser leur tire-lire malgré le prix des places prohibitifs à Bilbao (plus de 100 euros pour un tendido), dans un contexte de critiques permanentes de la Tauromachie.
Comme toujours le secteur -de plus en plus restreint- des irréductibles, des purs et durs, des prétendus sachants sont de violents contempteurs de Roca. C’est le lot d’un numero uno de se voir contesté par ces éternels mécontents. Le précédent du Juli qui a tenu ce rôle pendant plus de 10 ans est éloquent. Avant son départ larmoyant, couvert de lauriers et de compliments exagérés, il avait été recouvert d’opprobre par ceux-là mêmes qui l’encensaient au soir de ses adieux. C’est humain me dira-t-on…
Roca Rey a-t-il ce côté inoxydable de Julian ? Nous verrons, il débute dans ce rôle, avec un certain succès dans son leadership. Il s’est imposé très largement en piste à Bilbao et c’est la « mala leche » présidentielle qui l’a privé d’une sortie en triomphe -peut-être aussi une pointe de xénophobie. Personne n’aurait contesté pourtant ce triomphe qui aurait bien plus servi à l’aficion locale qu’au torero lui-même qui n’en n’a plus besoin.
Il n’est pas nécessaire d’être grincheux ou râleur pour être bon aficionado et le public -le fameux Grand Public- n’a pas toujours tort dans ses choix, ses pétitions. Il a même souvent raison car la tauromachie est avant tout un art populaire même si une certaine élite autoproclamée prétend détenir la vérité (ici comme ailleurs). Si Roca Rey séduit et s’il séduit le jeune public en priorité, souvent néophyte, c’est qu’il pratique un toreo de vérité. Son engagement est total. Et de ce point de vue il ne peut laisser insensible. Comme le dit José Tomas le jour où il passe le costume de lumière : « il laisse son corps à l’hôtel ».
Chacun ses goûts on peut préférer Balzac à Flaubert ( c’est mon cas), il y a d’autres toreros intéressants dans le circuit, je pense à Perera qui est dans un grand moment, à Borja Jimenez qui arrive comme une balle et bien sur à Morante qui lui aussi est une providence pour les taquillas, quoique dans une moindre mesure et sur ses terres surtout et il y en a beaucoup d’autres. Mais aujourd’hui la couronne est sur la tête d’un jeune homme qui n’est pas Espagnol et cela pour la première fois de l’Histoire. C’est le signe de l’Universalité de la tauromachie -qui se développe rapidement dans son pays natal.
Surtout Andrés attire un public jeune, nouveau, populaire et on ne raconte plus de balivernes à la jeunesse car elle voit tout de suite où se trouve la sincérité, la générosité dont Roca déborde dans la vie comme en piste. Elle a choisi son héros et elle sait pourquoi. La jeunesse ne se trompe pas.
Pierre Vidal