La ganaderia Reta de Casta Navarra est dirigée par Miguel Reta (après son père toujours présent).

Miguel Reta, ©JYB

Son l’objectif proclamé est de faire renaître l’encaste Navarra. Celui-ci a été peu à peu abandonné car son trapio n’était plus en rapport avec les desiderata des empresas et du public : trop petit, il ne peut aujourd’hui être lidié qu’à l’âge de 5 ans, avec l’inconvénient de l’augmentation de son sentido.

Généalogie de l’encaste Navarra. ©JYB

Depuis 100 ans, les éleveurs de sang navarrais ont sélectionné leurs bêtes pour une lidia dans les spectacles populaires nombreux en Navarre. Le problème de Reta, qui veut lidier en corrida est donc de revenir sur 100 années de sélection.

Vaches de la ganaderia RETA. ©JYB

En conséquence, Reta possède 3 fers, dont 1 acquis avec l’aide de Victorino Martin, appartient à l’UCTL. Les bêtes (mâles et femelles) marquées de 2 de ces fers sont systématiquement envoyées en spectacles de rue, les autres réservées pour la corrida. A l’évidence, ces deux origines n’ont rien à voir en termes de nourriture et de reproduction.

Toutes les vaches nées au campo sont tientées avant d’être affectées à l’une ou l’autre destination.

Sur le plan économique, l’élevage de bêtes pour la rue pose plusieurs problèmes administratifs : d’abord, l’Europe ne considère pas qu’il s’agit d’une activité d’élevage, mais comme de l’organisation de spectacles : en conséquence, pas de subvention, puisque les éleveurs ne participent pas à la PAC et des charges beaucoup plus fortes !

Vache de la ganaderia RETA. ©JYB

Pour pallier cet inconvénient, les vaches destinées aux spectacles de rue ont fait l’objet d’une dérogation à la législation espagnole qui oblige notamment à les conduire à l’abattoir après le spectacle. Les ganaderos navarrais ont obtenu l’autorisation de louer leurs bêtes, suivant un modèle analogue à celui de la Camargue, et de ne pas les afeiter (contrairement aux autres communidades) les toros étant ici emboulés.

Une réflexion en cours vise à reproduire le modèle camarguais en termes de vente de la viande : traditionnellement, les ganaderos du Sud de l’Espagne sont de grands propriétaires et riches d’autres activités pour lesquels la viande n’est qu’un à côté négligeable. Les éleveurs navarrais au contraire sont plus proches des agriculteurs camarguais et souhaitent modifier les mentalités en créant une AOP pour la viande de toros de combat comme cela s’est fait en Camargue. La conséquence serait l’augmentation de rentabilité des élevages et des recettes supérieures pour les empresas.

Toro de la ganaderia RETA. ©JYB

La ganaderia Reta est relativement petite 120 hectares seulement, plus 10 ha pour les cultures permettant l’alimentation du bétail. Les sols très accidentés et arborés en chênes blancs et verts, sont à la base argileux. A noter que la réglementation locale ne permet pas d’élever parallèlement des porcs pour profiter des glands qui ne servent qu’aux sangliers ! La raison ? d’obscurs problèmes sanitaires possibles…

Les sols imposent un manejo des animaux particulier : ici tout se fait à pieds. Ni chevaux ni quads comme dans d’autres élevages, mais des chiens (bergers allemands) accompagnant l’éleveur et les vaqueros. Les visiteurs bénéficient aussi de la possibilité de marcher dans les enclos accompagnant Miguel Reta et ses chiens !

Sur cet espace vivent 150 à 180 vaches de ventre réparties en 3 lots pour les fêtes populaires et 2 lots pour la corrida. Les lots de fécondation sont sélectionnés sur les cahiers généalogiques ; le semental reste en monte 4 à 5 mois, mais le rythme traditionnel de la monte pour provoquer des naissances en automne est ici modifié : les femelles sortant en spectacle populaire (vaquilla) en été ne peuvent pas être pleines pendant cette saison d’où le décalage dans l’approche du semental. Les femelles sont sevrées à 4 mois, et tientées à 2 ans.

Toro de la ganaderia RETA. ©JYB

Le toro navarrais est de type aleonado : gros devant, plus petit derrière. Miguel Reta considère que c’est un toro intelligent, en ce sens qu’il ne retourne pas à la pique (contrairement à la réputation de bravoure du toro navarrais au 19 ème siècle), surtout à l’âge de 5 ans.

Tentative de pique par les picadors de Miguel Angel Pacheco au toro n°59 de Reta de Casta Navarra, à Céret, le 17 juillet 2021. ©JYB

D’où l’explication de la corrida de Céret, qui rappelons le, avait dépassé les 6 ans. Facteur aggravant dans ce dernier cas, il avait été demandé de faire courir les animaux. Or un taureau qui court ne s’arrête pas et donc devient beaucoup plus difficile à remater. (Ceci étant, on sait que les mères de ces toros avaient été sorties des lots de corrida ou envoyées à l’abattoir par Miguel Reta au lendemain de la course).

Sanchez Vara à Tafalla.

Depuis cette course, les lots de vaches pour la corrida ont été reconstitués, et de nouvelles tentatives en novillada ont été organisées avec des résultats plus satisfaisants. La dernière corrida de Reta a eu lieu cette année sous la forme d’un seul contre 6 de Sanchez Vara dans sa ville de Tafalla: le lot afficha encore un fond de mansedumbre mais se révéla plus toréable que celui de Céret.

JEAN YVES BLOUIN

https://facealacorne.fr/ganaderia-reta-de-caste-navarra