Joaquin Muteira Grave vu par JY Blouin

C’est à la frontière espagnole, au sud de l’Extremadure, dans une région verte au printemps mais austère en été que paissent les toros de Muteira Grave. Un nom qui résonne pour les aficionados les plus anciens, pour sa présentation de ses toros et le sérieux de son comportement. Effet de mode ? Oubli ? Muteira a disparu des affiches de nos férias. Néanmoins de nombreux aficionados français pourront voir un lot complet à Azpeitia une féria du nord qui a de nombreux adeptes en France et qui cette année sera télévisée. Les Muteira seront combattus par un cartel de jeunes, David de Miranda, Jesus Enrique Colombo et Angel Tellez, le lundi 31 juillet.

Tienta chez Muteira avec le bon torero salmantino Juan del Alamo (Photo JY Blouin)

Nous avons rencontré Joaquin Murteira Grave dans son magnifique repère de l’extremadure portugaise il y a quelques semaines. C’est un passionné et un sage il évoque pour commencer l’actualité de son élevage :    

-Cette temporada 2023 j’ai toute ma camada vendue, la moitié au Portugal, la moitié en Espagne : je suis une nouvelle fois à Azpeitia, j’aurai un toro à la corrida concours de Cenicientos. Deux autres corridas dans l’Estrémadure et au Portugal je vais à Santarem, à Lisbonne et à Potro  Alegre avec quatre toros. J’ai aussi des toros isolés dans les concours d’élevages au Portugal. J’aimerais revenir en France parce que j’apprécie la façon dont les français abordent le toro, leur façon d’aimer le toro. Mes dernières sorties ce fut un lot de novillos à Mugron et quelques novillos isolés à Mont de Marsan notamment et l’an dernier il y a eu des négociations pour Dax qui n’ont pas abouties. J’aimerais revenir à Dax, Nîmes, Vic-Fezensac ou Béziers… il y a beaucoup d’arènes françaises où j’aimerais revenir…

-On a longtemps évoqué les Muteira Grave comme les « Miuras portugais » qu’en pensez-vous ?

-Je n’aime pas être comparé à Miura. Miura c’est quelque chose de différent avec son marché spécifique. Je cherche un autre toro. Je veux une autre morphologie. Je n’aime pas trop la morphologie du Miura et surtout son comportement. Je suis passionné du toro qui charge, qui a de la transmission et qui apporte de l’émotion au public.

-Pensez-vous qu’un éleveur comme vous doive accorder sa priorité au premier tiers ?

Non, je ne suis pas d’accord : j’aime les toros complets et je donne plus d’importance au comportement du toro dans la deuxième moitié du combat. La pique c’est une suerte formidable, magnifique à voir mais mésestimée en Espagne. En France c’est différent : les français respectent plus la pique. Le toro dans la première partie de la lidia il charge tout ce qui bouge ; mais les toros doivent être ensuite apaisés et continuer à charger non seulement par leur propre inertie mais pour leur bravoure. L’inertie c’est une chose mais un toro qui charge alors qu’il est tranquille c’en est une autre. Le toro n’a pas d’arguments physiologiques et anatomiques pour supporter un combat de 20 minutes : s’il lutte dans la deuxième moitié du combat c’est uniquement parce que la bravoure est là.

– La carrosserie ne serait donc pas l’essentiel ?

La carrosserie ne permet pas de charger, car comme bovin il n’a pas suffisamment de glucose pour charger, s’il le fait c’est le miracle de la bravoure. C’est un miracle zootechnique.

-Comment voyez-vous l’évolution du toro de combat ?

-Au XXème siècle, dans ses vingt dernière années,  les toros étaient assez nobles, suaves, ils tombaient souvent. Depuis le début de ce siècle le toro s’est amélioré beaucoup et maintenant depuis ces dernières années on peut voir 25 à 30 toros dans une saison extrêmement braves, formidables, avec plus de race qu’il y a 25 ou 30 ans.

-Etre ganadero portugais de toros de combat, est-ce un handicap ?

On dit que l’art n’a pas de frontières mais il faut bien reconnaître que les Espagnols se défendent un peu et c’est normal.  Je pense que les choix des français se font plus pour la qualité et la bravoure des toros. J’espère vraiment avoir un lot dans une arène française pour montrer le moment que traverse mon élevage.

-La tauromachie a été très attaquée aussi au Portugal, quel avenir lui voyez-vous en général ?

La tauromachie a un avenir. Je suis très optimiste parce que si on défend dans les arènes les mêmes valeurs que l’on doit défendre dans la vie, la tauromachie est assurée pour l’avenir.Je suis inquiet. Les attaques sont normales depuis longtemps la tauromachie est polémique, aujourd’hui avec les réseaux sociaux il y a des façons plus efficaces de répandre les mensonges mais les arguments de l’élevage du toro, dans sa partie écologique sont essentiels. C’est un atout que la majorité du public ne connaît pas : il faut toujours rappeler que nous élevons un animal unique, que nous l’élevons dans le respect d’un environnement écologique qui permet à toute sorte d’autres animaux sauvages de vivre.

Photo JY Blouin

Itw Pierre Vidal