J. Murteira Grave par JY Blouin

Monsieur,

Vous nous aviez prévenus, avec un léger sourire de confiance et d’ironie, vos toros allaient être à la hauteur de l’enjeu. Quel enjeu ? me direz- vous, Azpeitia n’est pas une plaza dont les répercussions puissent changer le cours des choses… Triompher à Azpeitia ne va pas faire que dès demain toutes les grandes arènes vont réclamer vos pupilles, hélas ! Car c’est bien de cela que je veux vous entretenir.


Au lieu de nous imposer à longueur d’années des ganaderias réputées de garantie, et là, par charité, nous ne citerons personne, au lieu de nous faire croire que Pedraza de Yeltes est le nec plus ultra des toros de lidia, que Miura demeure LA devise noire, on devrait dire à tous les vents que vous avez des toros grands, forts, nobles, qui chaque fois ou presque qu’ils paraissent dans une arène donnent aux spectateurs, ( de base, touristes ou aficionados de verdad) une émotion formidable, une densité dans l’expression que les toreros ressentent, recueillent et transmettent.

Ce fut le cas hier soir à Azpeitia, et dans sa tombe le bon Saint Ignace de Loyola dont c’était l’anniversaire de la mort le 31 juillet 1551 a du se retourner quand Candido Ruiz, banderillero de David de Miranda à été encorné de l’aine à l’aisselle, 50 cms de corne brulante, lui qui avait été amputé à vif d’une jambe frappée par un boulet de canon. Corrida ignacienne s’il en est !


Vous avez déclaré avec beaucoup de classe que le succès de votre corrida avait subi un choc à cause de cette blessure, mais avez cependant ajouté, et avec quelle justesse d’appréciation, que pour le reste tout avait été satisfaisant.
Vous étiez au Callejon le voisin de Roberto Pilès qui « apodere » Jésus Enrique Colombo .


Parlons de lui, parlons aussi de David de Miranda et de Tellez. Hier soir ces trois hommes ont été à la hauteur de la situation, se sont joué la vie sans faux semblant, se mettant dans le jeu comme ils devaient le faire, style, courage, détermination , envie de triompher. Triomphe majeur refusé bêtement à Colombo qui méritait les deux oreilles de son second : au capote, aux banderilles, à la muleta et à l’épée, qui trouvait à lui reprocher la donzelle flanquée de deux barbons au palco ?


Le public, ce juge de paix que les présidences ne consultent quasiment jamais a vécu une grande tarde de toros, pas de celles où on ergote pour savoir si la jambe arrière était suffisamment reculée ou si le croisement sur la corne contraire pouvait déclencher la charge de l’animal, non, Monsieur , vos toros ont dicté ce qu’il fallait leur faire et même si ces trois hommes là n’étaient pas(encore) des figuras, on a aimé, que dis-je, adoré leur comportement, l’esthétique s’est imposée du fait même de la qualité des charges de vos toros et non sur une prétendue inspiration de danseur mondain.

Je fais un vœu, que vous vendiez en France pour la saison prochaine plusieurs de vos corridas, nobles et dures, belles et charpentées, merci Monsieur, ce fut un grand plaisir , comme ce le fut de vous rencontrer chez vous au Portugal au début de cette année.

Jean François Nevière
Président de Mexico Aztecas y Toros