Mardi, dans sa bonne ville de Villeneuve de Marsan qui a fait beaucoup pour lui, Thomas Dufau se retirera de sa Gascogne auquel il a tant donnée. Sa despedida ultime, il la fera à Nîmes en compagnie de son ami Andrés Roca Rey dont il fut proche à Gerena, lors de son séjour à la rude école menée par José Antonio Campuzano. A Nîmes où il est sorti en triomphe le 18 septembre 2011 avec José Tomàs ; rien de moins…

Ainsi nous quitte, après 12 temporadas de matador et une belle carrière de novillero, le torero aquitain qui a le plus beau palmarès de  l’histoire, qui aura totalisé le plus de sorties dans des arènes françaises mais aussi espagnoles et d’Amérique Latine, qui se sera présenté  dans de nombreuses plazas de première catégorie : Nîmes Mont-de-Marsan, Vic-Fézensac, Bayonne, Dax, Arles, Valence, Cordoue, Madrid, Séville, etc.

Nous avons aujourd’hui plusieurs toreros aquitains : Dorian Canton et Yon Lamothe qui participeront à ces adieux, nous avons aussi Clemente, El Adoureño mais ce qui nous paraît naturel désormais ne l’était pas il y a encore peu de temps. Lorsque Julien Lescarret (précédé par André Viard) ouvrit la voie et que vint dans son sillage Thomas Dufau, il n’était pas évident d’être un torero d’origine aquitaine et beaucoup furent sceptiques.  

Il n’est jamais aisé d’être « prophète en son pays » et on ne rendit pas toujours justice à Thomas dont la probité, l’humilité et la fidélité se manifestèrent dans l’arène comme dans la vie. Influencé par l’homme qui changea son destin, Manolo Cortes, il cherchera en piste à produire ce qu’il y a de plus beau dans la tauromachie : préférant la voie du clacissicisme, la quête d’une certaine pureté plutôt que l’effet facile. Cette exigence, cette éthique passera parfois, à tort, pour une sorte de distance, une froideur qui pourtant ne l’habite pas. Elle lui sera injustement reprochée et sans doute en fut-il meurtri quoiqu’il ne s’en soit jamais plaint.

Car le torero est comme l’homme : avec des principes de vie solides et émouvants par leur simplicité : il aime la nature, la vie de famille et cet univers taurin -auquel il n’était pas destiné au départ- si exigeant, en acceptant sans regret les contraintes et les sacrifices. Soutenu par sa famille, Thomas sut s’entourer d’un cercle étroit d’amis solides sans lesquels cette aventure unique n’aurait pas pu avoir lieu.

Thomas aura accompli –et de quelle manière !- son rêve d’enfant : devenir matador et réussir dans cette profession. Son rêve est né ici à Villeneuve en voyant s’habiller de lumières les plus grands : Manolo bien sûr  mais aussi Curro ou Rafaël… C’est un rêve qui nous a tous possédé mais qui l’a réalisé ? Qui d’entre nous a consenti aux efforts, aux blessures, à l’éloignement des siens, aux injustices inhérentes au milieu taurin en échange d’éphémères moments de gloire ?

C’est donc avec nostalgie que nous voyons partir Thomas. Avec du vague à l’âme ; un pincement au cœur.

Et cet hommage amical est bien peu de chose au regard du bonheur qu’il nous a apporté.

Pierre Vidal