Mois : décembre 2023 Page 3 sur 10

Sergio Flores à Tlaxcala

Joyeux Noël Pablo!

Juan Leal présent à Ambato (Equateur)

Juan Leal sera le seul français présent à la grande féria équatorienne d’Ambato. Il sera accompagné de nombreux toreros espagnols pour ce qui sera le sommet de la saison en Equateur. Voici les cartels:

Samedi, 3 février. Toros de Campo Bravo pour Daniel Luque, Juan Leal et Julio Ricaurte.

Dimanche 11. Toros de Mirafuente y Vistahermosa pour Manuel Escribano, Gómez del Pilar et Francisco Cortez.

Robert et Sébastien: extraits du nouveau livre d’Antonio Arévalo

Notre ami et excellent confrère Antonio Arévalo vient de publier un livre sur Robert Margé dans la collection La Verdad aux éditions Gascogne. Un livre qui fait déjà sensation en raison de la personnalité exceptionnelle de Robert Margé dans l’Histoire de la tauromachie française qui a réussi brillamment dans le triptyque de base du monde taurin comme empresario avec le succès de Béziers , comme ganadero avec une ancienneté gagnée avec succès à Madrid (le Graal de tout ganadero) et comme apoderado puisqu’il a été à l’origine de la carrière du plus remarquable torero français de toute l’Histoire : Sébastien Castella (qui lui rend hommage dans l’ouvrage).

C’est cette facette que nous avons retenu ici. Il répond d’abord à la question d’Arévalo :

-Pourquoi amènes-tu Sébastien à Séville ?

-Parce que j’avais découvert chez lui une aficion et une volonté incroyables. Un jour je lui avais posé la question : « pourquoi veux-tu être torero ? » Je ne peux pas donner la réponse, ça ne regarde que lui et moi. Il y avait chez lui une telle détermination, une telle force que je me suis dit que le seul moyen d’en faire quelqu’un d’important dans la tauromachie c’était qu’il se retrouve tous les jours avec un professionnel. Moi j’avais cinquante mille choses à faire, avec les banques derrière-moi, j’avais une vie infernale, je dormais quatre heures par nuit. Je savais que c’était la solution pour Sébastien. J’avais un train de vie qui me permettait d’avoir un très grand appartement calle Arjona à Séville, avec cinq chambres, cinq salles de bain, une terrasse de 150 mètres carrés où les toreros s’entraînaient mais ça ne m’allait pas de laisser là Sébastien. Ce que m’a proposé José Antonio m’a d’abord soulagé et ensuite on a concrétisé un accord professionnel merveilleux puisque José Antonio et moi on a fait une équipe d’enfer. Il faut savoir que lui, avec beaucoup d’élégance, m’a renvoyé la balle quand il a commencé à apodérer Andrés Roca Rey. Il m’a dit : « tu ne veux pas qu’on refasse comme avec Sébastien, qu’on l’apodère tous les deux ? » Je lui ai répondu que non, que ce n’était plus ma voie et je lui ai aussi dit : « par contre, attache-le bien, parce que celui-là va être figura del toreo ».

J’ai donc trouvé des tentaderos pour Roca Rey en France et j’ai essayé de le mettre partout dans les novilladas non piquées puis piquées. J’aidais mon ami José Antonio Campuzano qui a sorti cette autre figura.

Quand mon amie Marie Sara m’a demandé de lui conseiller quelqu’un pour Lalo, je lui ai répondu : « il y en a un en qui j’ai confiance et qui est digne de confiance, comme il l’a prouvé : José Antonio Campuzano ». L’histoire entre José Antonio et moi est belle et elle continue.

-On ne va refaire toute l’histoire, tout ton parcours avec Sébastien, mais qu’est-ce qui t’a le plus plu chez lui en tant que torero et en tant qu’homme ?

-Sébastien fait partie de ces toreros, ils ne sont pas beaucoup, très peu même, capables de mourir quelques après-midi dans l’année. De tout miser sur un jour, au risque de prendre un coup de corne, sans s’en soucier. C’est pour ça qu’il est figura del toreo. Sébastien c’est comme le grand toro brave : il va jusqu’au bout de lui-même en permanence et repousse les limites. Encore là, l’autre jour, j’ai pleuré comme un gosse quand il a mis cette grande épée à Madrid et qu’il est sorti par la Grande Porte. Parce que je savais moi, intimement, ce qu’il ressentait depuis quatre ou cinq mois qu’il avait repris l’épée. Les Grands ne meurent jamais et lui est Grand. Je pensais qu’après plus de deux ans sans toréer il lui faudrait quinze ou vingt corridas pour retrouver le sitio. Ça ne se fait pas en un jour, on sait ce que c’est. Il l’a fait de la plus belle des manières, il a dit au monde entier : « Castella est de retour ». Je ne te cache pas que ce jour-là j’étais ému et que je l’ai bien fêté.

-Comme homme, c’est quelqu’un de très particulier.

-Au départ il était très introverti et je le comprenais. Même si moi, à son âge, j’avais les mêmes manques mais moi j’étais plutôt extroverti et lui le contraire. Sébastien est quelqu’un avec beaucoup de fond, qui n’oublie pas les gens qui ont été importants pour lui. Il a beaucoup de « cariño » pour les gens qu’il aime et il les aime vraiment. C’est quelqu’un d’entier, une très grande personne, en plus d’être quelqu’un de très intelligent.

-Le fait d’avoir été son apoderado, qu’est-ce que cela t’a apporté ?

-Beaucoup. Aussi en tant que ganadero, parce que l’accompagner tout le temps dans de grands cartels, de voir sortir les plus grands élevages, de voir comment les toros humilient, placent leurs têtes, toutes leurs réactions, ça a changé ma manière de sélectionner mes toros. Ça m’a aussi fait croître dans mon professionnalisme, être à côté de lui pendant sept ou huit ans m’a apporté plein de choses.

-Cela a été difficile de l’imposer en France ?

-Ça a été un combat, ça me rendait fou. Autant pour moi je suis capable d’endurer plein de choses, autant j’ai horreur de l’injustice. Chaque fois il fallait que j’explique :  « mais vous n’avez pas vu qu’il va être figura del toreo ? Vous ne l’avez pas compris ça ? » Bien sûr c’était lui qui donnait la meilleure des réponses en coupant les oreilles et en sortant en triomphe, donc c’était quand même plus facile pour l’apoderado. Ça a été un « tio », ce qu’il a fait est énorme et unique en même temps. Très peu de toreros sont arrivés à ce niveau-là. Sur les trente dernières années il y en a quatre ou cinq, pas plus. 

-Parmi tes souvenirs en tant qu’apoderado de Sébastien Castella, quels sont tes grands moments ?

-Il y en a tellement que ça va être difficile de répondre. Déjà novillero, de novillero il était extraordinaire, il triomphait de partout, quand il tuait, parce qu’à cette époque-là il perdait des sacs d’oreilles à cause de l’épée, c’était par périodes. Après il y a eu les Rencontres Mondiales de Novilleros que ton père avait lancé avec les Chopera et des Mexicains, avec une finale à Saint-Sébastien et l’autre à Mexico. Lui a gagné les deux, sur les deux continents, donc il annonçait déjà la couleur. Je me rappelle de Mexico où il tue le toro a recibir qui ne tombe pas de suite, le président m’a dit plus tard qu’il lui aurait immédiatement donné la queue tellement il avait bien toréé. Il a pris l’alternative avec Enrique Ponce et José Tomás et après je n’ai eu de cesse de le mettre dans de grands cartels. J’ai fait attention à lui au campo, je me suis efforcé d’être professionnel jusqu’au bout des ongles pour qu’il ait le plus de facilités possibles et lui enlever de la tête tous les soucis du quotidien. C’est le rôle de l’apoderado et je crois qu’avec José Antonio on a fait un sans-faute là-dessus, même si ce n’est pas à nous de le dire. Ça a été une aventure humaine extraordinaire, José Antonio est toujours mon ami proche et Sébastien fait partie de ma famille.

Le livre en vente sur toutes les plateformes de vente par correspondance (Amazon, Fnac, etc.) et dans les librairies taurines

Communiqué du Club Taurin Vicois

Cartelazo

Première corrida mixte

Séville, les ganaderias

L’Empresa Pagés  a fait connaître le choix des ganaderias pour la temporada 2024 pour la plaza de toros de Séville. Les ganaderías combattues le dimanche de Pâques et pour la féria sont les suivantes: Juan Pedro Domecq, Miura, El Capea – San Pelayo, La Quinta, Victorino Martín, Victoriano del Río, Jandilla, Fermín Bohórquez, Santiago Domecq, Garcigrande, Alcurrucén, Núñez del Cuvillo, El Parralejo, Hnos. García Jiménez et Domingo Hernández. 

Pour la Feria de San Miguel sont prévues: Victoriano del Río, Garcigrande et Hnos. García Jiménez. Manquent les élevages réservées aux novilladas piquée

TEQUESQUITENGO, 1971

Article publié dans la revue Mexico Aztecas y Toros IV (2014). L’association organise son Assemblée Générale à l’occasion de la journée taurine d’Arzacq. Quelques numéros de la revue sont encore disponibles.

L’obscurité était totale. La nuit venait juste de tomber épaisse et sans issue. Il ne voyait pas où il posait ses pas. L’autobus déglingué l’avait laissé aux portes du village : vague halo lointain, dont il entendait le vacarme, les cris innombrables des enfants, les pots d’échappements usés, les aboiements lamentables de  quelques chiens qu’il imaginait faméliques et aussi, plus loin, quelques improbables « rancheras » déformées par un haut-parleur à deux doigts de rendre l’âme. Il avait pour projet de rejoindre ce lointain magma lumineux et bruyant mais l’asphalte était coupée à l’entrée du pueblo : c’était un chemin de sable et de pierres accumulées. Il ressentait tout de même une sorte de sérénité qui émanait de l’air. Il ne faisait ni chaud, ni froid  et un léger souffle tiède baignait son visage. Il chargea son sac sur le dos et marcha en direction de la lumière et du bruit des hommes, avec prudence, mais sans peur non plus… un sentiment qu’à son âge il ne connaissait pas.

C’était un anglais qui lui avait recommandé cet endroit. Comme lui, il habitait une mansarde sordide au 7ème étage du « Galvestone Hôtel » avenue de Los Insurgentes au centre de la capitale, pour 20 pesos par nuit. Il avait l’allure de ces voyageurs expérimentés qu’il avait souvent rencontré, prêts à tout mais aussi souvent de bons conseils. Les Anglais c’était du solide, de vrais baroudeurs, comme lui-même rêvait d’en être -un état qui te transformait lentement, du moins le croyait-il en ce temps-là. Ils étaient allés ensemble à la « Monumental » voir un festival taurin. André avait été enthousiasmé, bouleversé par ce spectacle qu’il découvrait.

Au retour de la calle Rodin, dans le vacarme du métro, l’Anglais lui avait dit : « Tu veux connaître le pays profond ? Cesse d’errer sans but dans les rues de Mexico,  prends le bus et parts pour Tequesquitengo. C’est un village étrange bâti sur les bords d’un lac dont les eaux sont si claires qu’on y voit au fond des maisons, une église et l’entrée d’une ancienne mine de Teques, un minerai pauvre. Pendant la Révolution Zapatiste, les propriétaires de l’hacienda de San Juan qui possédaient des milliers d’hectares de collines ont noyé les habitations. C’est assez… heu ! Emouvant ». Tequesquitengo, oui, bien sûr ! « Je tiens le Teques » et le village avait été reconstruit au milieu des cactus et de quelques eucalyptus, sur les bords du lac qui servait de tombes aux ancêtres. Il paraît que les riches, car ils étaient revenus, faisaient, sur ces aux sacrées, du ski nautique…

Il avait donc pris la bus à la gare centrale, assailli par les marchands de tortas et les vendeuses de bières et de coca-cola qu’elles sortaient de seaux où les morceaux de glace fondaient lentement dans la chaleur étouffante, les infirmes et les mendiants, en direction de Cuernavaca, la ville du consul. Pour aller au-dessous du volcan… N’était-ce pas une destination romanesque ? Il avait adopté la suggestion de l’Anglais dans la seconde même, abandonnant sans regret sa piaule sordide du « Galvestone » et la rumeur menaçante de la cité géante.

Il marcha quelques mètres avec difficulté, trébuchant dans les trous qu’il ne pouvait voir. Il approchait du bourg ; il aperçut quelques ampoules de couleur suspendues au-dessus de la rue principale et des fusés qui partaient du centre de l’agglomération illuminaient un instant l’angoissante obscurité.  C’était un jour de fête. Trois jeunes gens de son âge approchaient. Ils lui mirent une lampe torche sous le nez et il recula, surpris, ce qui les fit rire.

Des trois Luis était le plus malin, Mauricio le plus costaud, Juan, taciturne, était le plus attentionné. Ils l’adoptèrent d’emblée et se conduisirent avec ce gringo comme avec un frère. Où pouvait-il dormir ? « Sur les bords du lac, je mettrai mon hamac », leur dit André. « Non tu auras trop de moustiques » répondit Juan. Luis ajouta « … et puis il y a ce vieux fou d’Humberto ; celui qui vend le mescal de sa fabrication et qui pêche à l’épervier les poissons qu’il grille sur place pour ses clients. Il vient sur le bord de l’eau dès le petit matin et il chante comme une casserole. Il te réveillera et tu auras mal à la tête » ajouta Luis et ils rigolèrent tous les trois.

Alors Mauricio fit un geste de la main et le petit groupe avança dans les ruelles qui serpentaient sur la colline au hasard de constructions précaires jusqu’à une sorte de cube de parpaings disjoints qu’ils lui affectèrent pour dormir. Il laissa là ses affaires en toute confiance et descendit avec eux jusqu’à la Cantina du village où, sur une dalle de béton bien lisse, on dansait au son d’un haut-parleur. Il fit comme ses nouveaux copains : il but des bières jusqu’à devenir saoul. Il paya largement son écôt car, de fait, seul gringo de l’assemblée, il était riche. Ils le ramenèrent en le soutenant par les épaules car il s’en tenait une belle. Eux aussi… et toute la bande dormit sur le sol battu de sa nouvelle demeure.  

Le matin, il se réveilla avec le soleil qui déjà frappait fort. Il avait le vague espoir que la Cantina serait ouverte et qu’il y trouverait du café. Dans une cour, un enfant déjeunait d’une galette de maïs trempée dans un bol de jus de piment « ay ! piquante » dit-il à son père en souriant. Quelques coqs chantaient, étaient-ils de ceux que l’on préparait pour ces combats mortels ? Pour le reste c’était un silence aussi épais que la nuit de la veille était sombre. Pas un bruit si ce n’était une sorte de lointaine rumeur, une galopade qui se rapprochait. Il allait entrer dans la rue principale quand une main accrocha son tee-shirt et le plaqua dans un recoin. Il n’eut pas le temps de se retourner. Il vit à quelques centimètres de lui, le frôlant presque, passer ces énormes zébus aux cornes gigantesques, à la bosse splendide, au front buté, trottant, houspillés et fouettés par des cavaliers aux pantalons de cuir, lasso à la main pour certains, chemises bariolées et chapeaux à large bord. Il put sentir leur odeur sauvage et violente. Il entendait le sourd grognement des monstres contrariés.

L’effrayant cortège parcouru la rue principale soulevant un nuage de poussière et partit vers La Cantina. Tout cela ne dura que quelques secondes mais pour le coup André avait eu peur. Il se retourna pour voir quelle était cette main salvatrice. Mais il n’y avait personne. Après une longue attente, il emprunta le chemin du terrible cortège et se rendit au bar du village.

« Es dia de toros » lui dit le serveur de la Cantina qui lui servit une bière car il n’y avait pas de café.  Derrière le bar il y avait une sorte de rectangle, long d’une quarantaine de mètres et large d’une dizaine. L’enceinte était close de murs épais et hauts, blanchis à la chaux et peints d’un liseré vert. Au sommet des dizaines d’hommes, jeunes et vieux, assis les pieds ballants. Ils étaient habillés de blanc pour la plupart et se protégeaient du soleil avec des chapeaux de paille usés. Au milieu, dans la poussière et la lumière brulante, André aperçu le zébu et l’homme qui l’appelait tenant une bouteille de mezcal à la main et un bout de toile de jute de l’autre. Il s’en tenait une bonne lui aussi et il marchait vers le zébu en trébuchant à chaque pas. Il appelait l’animal immobile en faisant de grands gestes et en hurlant des injures qui faisaient tordre de rire le public.

Alors le zébu partit pour une courte charge que l’homme évita une première fois grâce à un habile écart.  Mais il revint vers lui et l’homme recula et, mal assuré, glissa et tomba à la renverse, l’animal se précipita, le souleva à une hauteur qu’André jugea inouïe. Sa trajectoire coupa un instant le soleil qui l’éblouissait et il vit – oui un instant infime, il le vit, il en est encore sûr aujourd’hui- le regard surpris comme ahuri du type qui retomba violemment sur le sol. L’animal l’attendait à l’endroit précis de sa chute et la corne perça son ventre. Il tenait encore sa bouteille et sa toile de jute. Il se releva comme il put, se mit face au monstre et écarta les bars en signe de défi ; Une  nouvelle fois, il fut soulevé et, la chemise pleine de sang, il retomba au même endroit pour être une nouvelle fois transpercé. Rien ni personne ne vint à son secours. Il ne criait pas et ne semblait pas demander d’aide.

C’était « dia de toros » en Tequesquitengo et le spectacle dura toute la journée.

Pierre Vidal    

Premiers cartels

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