Auteur du site Terres de Toros, Thomas Thuries Ă©tait au Club Taurin de Paris pour exposer ses sentiments sur lâuniformisation des encastes : ProblĂšme qui soulĂšve bien des controverses aujourdâhui !
Cette uniformisation ne date pas des derniĂšres annĂ©es mais a dĂ©butĂ© au dĂ©but du 20 Ăšme siĂšcle ce qui permet dâen dĂ©finir lâhistorique et les fondements.
Mais auparavant quâest-ce quâun encaste ?
Selon la dĂ©finition de lâUCTL (Union de Criadores de Toros de Lidia, Union des Ă©leveurs de toros de combat) les points suivants sont indispensables pour dĂ©finir un encaste :
2 critÚres génétiques se reproduisant sur au moins 5 générations
Des caractéristiques communes de morphologie (trapio) et de comportement.
A partir de ces deux principes, lâUCTL a dĂ©fini 23 encastes regroupĂ©s historiquement.
En se basant sur une Ă©tude de lâADN des toros de combat par Javier Canon, on peut en fait dĂ©finir 29 encastes. Mais les Ă©tudes sur la gĂ©nĂ©tique et le comportement sont confidentielles et rĂ©servĂ©es aux ganaderos.
Dans ce cadre, la notion dâencaste est scientifique et il constate entre 2 encastes un Ă©cart 3 fois supĂ©rieur Ă celui de 2 races bovines diffĂ©rentes ! Il y aurait donc plus de lĂ©gitimitĂ© Ă parler de race des toros de combat que dâencaste.
Arbre dâencastes: les diffĂ©rences gĂ©nĂ©tiques sont marquĂ©es par la distance entre les races.
A partir de ces travaux on peut Ă©tablir une sorte dâarbre illustrant lâĂ©cart dâADN entre les diffĂ©rents encastes.
Mais bien entendu, ce quâon voit aux arĂšnes câest un encaste dominant : en 2023, 62% des toros lidiĂ©s en corrida Ă©taient dâencaste Domecq !
Thomas Thuries apporte ici un Ă©lĂ©ment personnel : Ă cĂŽtĂ© des encastes il a Ă©tudiĂ© le nombre de toros lidiĂ©s de chaque encaste au cours de quelques annĂ©es significatives et peut ainsi affiner lâĂ©volution au cours des annĂ©e de la deuxiĂšme moitiĂ© du 20 Ăšme siĂšcle, ce qui le conduit Ă une approche purement historique jusquâĂ la guerre dâEspagne puis Ă sâappuyer sur les statistiques de ces quelques annĂ©es significatives.
Premier fait important pendant la guerre civile espagnole, 1/3 des Ă©levages disparait. Mais Ă partir de lĂ , les mĂ©thodes dâĂ©levage se figent : tienta, et conservation des Ă©talons. De plus on supprime ou allĂšge lâobligation de poids et dâĂąge en raison du manque de toros. Cela dure en matiĂšre dâĂąge jusquâen 1973 et lâobligation du guarismo !
DĂšs cette Ă©poque, le Vistahermoza est lâencaste fondamental, tous les encastes historiques ayant disparu. Un peu dâhistoire.
LâĂ©levage de Vistahermoza nait en 1770 Ă Utrera Ă partir de lâĂ©levage des frĂšres Rivas. En 1823 il est cĂ©dĂ© au Barbero de Utrera puis Adrian de Saavedra. En 1863, les toros tombent aux mains des Murube. Et en 1884, lâĂ©levage est acquis par Eduardo Ybarra qui fait Ă©voluer le type vers un toro plus lourd, avec une sĂ©lection intransigeante quâil peut se permettre grĂące Ă sa richesse.
En 1904, Ybarra vend la moitiĂ© de son Ă©levage Ă Fernando ParladĂ© qui avait un Ă©levage dâorigine Vazquena, mais avait subi un gros Ă©chec Ă SĂ©ville et avait dĂ©cidĂ© de changer dâencaste en choisissant les Vistahermoza : il achĂšte donc 400 vaches et les tiente toutes en Ă©liminant 150 dâentre elles.
Câest Fernando ParladĂ© qui va commencer lâexpansion de lâencaste dans le monde taurin : en effet, ayant de gros besoins dâargent, il vend des vaches chaque annĂ©e Ă dâautres Ă©leveurs. Cela se traduira par une Ă©volution du marchĂ© qui est frappante jusquâĂ nos jours :
En 1940, les Ă©levages dâorigine ParladĂ© reprĂ©sentent 20% du marchĂ© ; en 1950 25% ; en 1970 30% ; en 2004 86% ! Car les ParladĂ© se sont ramifiĂ©s en
Correa : Pedrajas cet encaste restera modeste.
Rincon : encaste Carlos Nunez avec aujourdâhui Alcurrucen et Jose Luis Pereda.
Tamaron : qui Ă©voluera en Conde de la Corte puis Domecq â Atanasio Fernandez.
Au total ce sont 7 encastes majeurs qui sont nés de Parladé.
Parmi eux Atanasio Fernandez qui a hĂ©ritĂ© dâun Ă©levage dâorigine Conde de la Corte : Il ne sĂ©lectionne ses toros que sur la noblesse anticipant les goĂ»ts du public du 20 Ăšme siĂšcle aprĂšs la rĂ©volution belmontine : et il vend ses vaches, beaucoup, amplifiant lâenvahissement de lâencaste dans le monde des Ă©leveurs. Mais les toros dâorigine Atanasio (Charro de Lien, Perez Tabernero, Sepulveda, El Sierro) fracassent Ă partir des annĂ©es 2000 et cĂšdent peu Ă peu la place aux Domecq : il ne reste aujourdâhui, pratiquement que Lisardo Sanchez et Atanasio-La Corte.
Le mouvement dâenvahissement sera encore dĂ©veloppĂ© par la famille Domecq, dont le sens commercial fait merveille ! Non content de vendre des vaches, elle propose des sementales avec lâoption (si les produits ne sont pas conformes) de les Ă©changer gratuitement contre un autre toro reproducteur ! On en arrive ainsi au schĂ©mas ci-dessous qui prĂ©sente la filiation du ParladĂ© et son poids dans les corridas dâaujourdâhui.
Poids des différentes branches du Parladé dans les cartels du 20 Úme et 21 Úme siÚcles.
On comprend que lâencaste Domecq reprĂ©sente 62 % des toros lidiĂ©s aujourdâhuiâŠUne explication peut ĂȘtre Ă©galement trouvĂ©e dans ce quâaffirmait Curro Romero : « je prends du Domecq parce que le mauvais toro de Domecq nâest pas gĂȘnant ou difficile. » (verbatim non garanti)
Pourtant il reste dâautres encastes que celles descendant de ParladĂ© : notamment Saltillo et Santa Coloma.
origines du Santa Coloma
En 1905 le Conde de Santa Coloma a rachetĂ© lâĂ©levage de Eduardo Ybarra mais a donnĂ© la prioritĂ© dans son Ă©levage Ă lâorigine Saltillo.
Le Santa Coloma a essaimé en Buendia, Coquilla, Graciliano, Albaserrada.
Saltillo existe toujours, mais est en danger dâextinction depuis 80 ans !
De leur cĂŽtĂ©, Miura et Cuadri qui sont 2 encastes propres, nâont jamais essaimĂ© car les ganaderos nâont jamais voulu vendre leurs vaches ni leurs sementales. Victorino Martin se trouve dans le mĂȘme cas.
Reste un point important : tous ces schĂ©mas (ils ne sont pas tous prĂ©sentĂ©s ici) qui montrent la diminution des autres encastes par rapport au Domecq, ne portent que sur les toros lidiĂ©s en corrida. Or si un encaste est en danger quand il tombe en dessous de 1000 tĂȘtes de bĂ©tail, on constate en fait quâil existe au campo, nombre dâĂ©levages qui ne vendent jamais en corrida, mais se maintiennent grĂące aux spectacles mineurs (becerradas, novilladas) et aux spectacles populaires. Mais si lâencaste Domecq a 35000 vaches dans plus de 150 Ă©levages et Nunez environ 6000, 17 encastes ont moins de 1000 vaches au campo et sont donc en danger dâextinction. Le phĂ©nomĂšne est encore aggravĂ© par le fait que nombre de ces Ă©levages nâont pas de possibilitĂ© de rafraichissement (cela peut mĂȘme concerner des encastes comme Albaserrada qui avec seulement 3 Ă©levages est sur la corde raide).
Il existe donc encore une belle diversitĂ© dâencastes, mais le fait est quâen tant quâaficionado, on nâen profite pas dans les arĂšnes. Or ce manque de diversitĂ© ne vient pas de lâinadaptation du toro actuel car ils descendent tous du Vistahermoza !
Le temps a un peu manqué pour que le conférencier puisse développer tous ces sujets, mais la conférence était passionnante!
Jean-Yves Blouin https://facealacorne.fr/
Pour ceux qui seraient intéressés, la plupart de ces éléments pourront se retrouver sur le site
https://www.terredetoros.com/