C’est le vieil aficionado qui écrit ces mots. Aficionado qui se demande parfois s’il l’est vraiment , étonné, surpris, scandalisé qu’il est par ce qui se passe dans le mundillo, ce que rapporte la rumeur, ce qui nous trouble lorsque , par exemple, une entreprise comme ONE TORO dépose le bilan pour de très valables mais anormales raisons. Raisons valables devant un commissaire aux comptes: défaut de recettes , perte de marge bénéficiaire, motifs scandaleux par ailleurs puisque d’une part l’étude de marché a certainement été faite naïvement, comptant sur l’honneteté des potentiels abonnés payants, et le résulat des courses démontrant que la plus grande partie des gens qui regardaient One Toro ne payaient pas leur abonnement, en se débrouillant avec de vilaines combines pour voir les corridas sans donner les 1 ,28 que One toro leur demandait à l’unité. Ça rappelle la grande époque de Canal Plus que beaucoup regardaient en douce sans bourse délier.
L’aficionado devrait avoir honte de ce genre de comportement et encore plus honte les peñas ou clubs taurins qui en payant un seul abonnement faisaient profiter leurs très nombreux adhérents de ces projections..”clandestines” .
Certains ne manqueront pas de se réjouir que cette offre moderne disparaisse, arguant du fait que la corrida doit se voir en direct et jamais à la télévision. Avec des raisonnements de ce genre la corrida est assurée de mourir plus vite qu’envisagé, les prix pratiqués par les empresas éloignant de facto les gens à faibles revenus, les jeunes, et les mollah qui traitent d’idiots ceux qui n’ont pas leur vision integriste de l’art qui nous passionne, oublieux qu’ils sont du fait que la corrida est un art populaire qui se prête à toutes les manières de le voir.
Sur ce plan je crois absolument nécessaire de faire des comparaisons, qui pour une fois seront raison.
Dira- t -on que le theâtre n’existe que s’il est de Brecht et d’extrême gauche en rejetant la comédie ?
En musique les amateurs de dodécaphonisme se permettraient ils d’interdire Bach, Fauré Ravel, pauvre musique si on n’avait plus que l’école de Vienne pour bercer nos besoins mélodiques ?
Voulez vous d’autres exemples? Il se trouve que , à titre personnel, certains toreros ne me font pas vibrer, de quel droit aurais- je l’outrecuidance de tenter de leur nuire quand précisément beaucoup de gens dans le public aiment l’un et l’autre, disons un” pueblerino” et un” rigoriste classique”!
Tout cela ne nous éloigne pas de notre sujet, j’en ai marre des donneurs de leçon, des querelles de chapelles, sachons regarder, chaque fois comme nouvelle la tauromachie d’un homme qui, on l’oublie toujours, risque sa vie même avec des petits toros mal foutus ou “mansos”.
Contentons nous d’aimer cet art si compliqué que depuis 60 ans que je m’assieds dans une arène, me reste mystérieux , émouvant, et, m’a toujours aidé à vivre.
L”art, les arts, nous sont des béquilles(muletas) morales et esthétiques.
Alors , au lieu de vous engueuler et vous comporter toujours comme des écornifleurs ( cf Jules Renard) ouvrez vos esprits et vos goussets et admirez ce qui doit l’être.
J’ai lu tout récemment un livre de Francis Marmande dans lequel il se livre à l’exercice que je fais souvent : un musicien face à un torero.
Essayez vous- même si vous êtes mélomane; José Tomas qui serait il ? et Juli? et Ponce? et Ortega? et Morante?
Vous verrez c’est bien agréable !
Et, au moins, vous ne ferez plus la guerre à vos amis aficionados qui ne partagent pas vos goûts taurins.
Jean François Nevière