À l’issue de son assemblée générale où fut décerné le prix de la Rencontre ( nous y reviendrons), Le CTP recevait Marc Lavie, rédacteur en chef de Semana Grande, pour le traditionnel bilan de la temporada 2024.

Après avoir évoqué quelques bons souvenirs d’une invitation au Club, il y a une trentaine d’années, avec __ Arevalo, il entrait dans le vif du sujet :

LES DONNEES :

Il y a eu en France et en Espagne 498 corridas dont 15 mixtes soit 5 de plus qu’en 2023, et 312 novilladas, soit 20 de plus que l’année précédente. Certes, il y a 50 ans les chiffres étaient supérieurs, (653 corridas, 394 novilladas), mais cette temporada s’annonce de ce point de vue comme un bon cru.

L’année a vu 25 novilleros prendre l’alternative, dont certains ont certainement un brillant avenir dans la profession. Il ne faut pas oublier que depuis le COVID, 70 matadors ont pris l’alternative, ce qui peut expliquer la bousculade inévitable face aux postes disponibles.

Il y a eu 21 indultos dont un seul en arène de première catégorie espagnole, c’est un peu moins que les années précédentes.

Parmi les nombreuses blessures de l’année, 16 ont été graves dont 4 très graves.

Derechazo à genoux de Roca Rey à Soplon, n°48 de Fuente Ymbro, à Madrid, le 6 octobre 2024. ©JYB

L’escalafon des matadors est dominé par Roca Rey avec 70 cartels, devant Talavante 68, et Luque et Castella avec 52 contrats. Chez les novilleros, c’est Marco Perez avec 38 novilladas qui est en tête. Il est d’ailleurs annoncé pour une despedida de novillero, en seul contre 6 à Madrid pendant la San Isidro, le 30 mai.

Nek Romero cite pour une passe de Las Flores le becerro n°20 de Pages Mailhan, à Arles le 11 septembre 2022 matin. ©JYB

L’escalafon est vieillissant avec des leaders ayant plus de 20 ans d’alternative, mais l’escalafon des novilleros est plus intéressant : parmi les noms à citer El Mene qui n’a lidié que 10 novilladas mais est très prometteur au milieu de nombreux bons toreros, comme Jarocho, Mario Navas, Israël Martin, Nek Romero, Samuel Navalon.

On craignait une pénurie de toros, mais cela a été résolu, parfois en transformant les corridas classiques en défis ganaderos.

Il apparait une nouvelle génération d’aficionados qui réagissent plus aux provocations des antitaurins et des politiques ce qui a un effet régénérateur sur la communauté.

Les problèmes : certaines plazas sont en crise notamment Bilbao, même si le vide des gradins existait déjà il y a 30 ou 40 ans, mais la mairie tourne le dos aux arènes. La télévision : la corrida est soutenue par les télévisions régionales mais One Toro a un modèle économique qui ne lui permettra sans doute pas de survivre longtemps. Enfin, les critiques et les questions se font jour en Espagne sur le système de santé et de gestion des infirmeries en France.

BILAN ARTISTIQUE :  LES TOREROS .

Véronique de Morante devant le toro n°65 de Domingo Hernandez, à Séville le 15 avril 2024. ©JYB

Le fait marquant est l’absence de Morante malgré ses 35 corridas ; on a vu lors de ses derniers cartels à Azpeitia ou Santander que son corps continuait à toréer, mais son visage était ailleurs !

Les figuras ont connu leurs lots de succès, mais d’une manière générale sans se maintenir au niveau auquel elles nous avaient habitué.

Roca Rey avait atteint un sommet lors de son triomphe héroïque de Bilbao en 2022, mais semble avoir du mal à rester à ce niveau. Mais c’est le seul à remplir les arènes !

Talavante a semblé privilégier la quantité sur la qualité.

Statuaire à la talanquère de castella, au toro n°12 de Margé, à Nîmes, le 14 septembre 2024. ©JYB

Castella a été en dessous de 2023, malgré la nouvelle profondeur de son toréo et la beauté de ses lances à la cape. Mais il a connu des problèmes à l’épée.

Pecho de Luque, à Herrador, n°7 de La Quinta, à Nîmes, le 14 septembre 2024. ©JYB

Daniel Luque a eu quelques éclairs dans une temporada un peu grise.

Véronique de Juan Ortega à Terremoto, n°17 de Garcia Jimenez, à Séville, le 29 septembre 2024. ©JYB

Le soleil est venu de Juan Ortega, le meilleur artiste actuellement. Mais ce n’est pas un torero de grand public ni sans doute un torero pour la France.

Doblon de Borja Jimenez à Enamorado, n°116 de Victoriano del Rio, à Madrid, le 5 octobre 2024. ©JYB

Borja Jimenez a donné la meilleure faena de la San Isidro mais a perdu des oreilles à l’épée. Il progresse à chaque sortie, mais attaque beaucoup ses adversaires ce qui nécessite pour lui des toros très encastés.

Fernando Adrian a triomphé à Madrid en 2023 et 2024. Mais lors de la corrida de Victoriano à la féria d’automne, le public a pris parti pour Borja et lui ne s’est pas montré à la hauteur.

Derechazo à genoux de Perera à Oloroso, n°66 d’El Parralejo à Séville, le 10 avril 2024. ©JYB

À Séville une seule Porte du Prince méritée, celle de Miguel Angel Perera qui est plus que jamais une valeur sure.

Emilio de Justo a été bon à Séville comme à Bilbao, mais il n’impacte pas !

David Galvan est un styliste inspiré, mais il a bénéficié d’être associé à Ponce.

Doblon de Rufo, à Fardero, n°97 du Puerto de San Lorenzo, à Madrid, le 4 octobre 2024. ©JYB

Tomas Rufo semblait parti en 2022 pour perturber l’escalafon, mais il est devenu plus précautionneux. Sa force était aussi ses apoderados (les Lozano), cependant, sans El Juli ils ont eu moins de poids. Mais à la féria d’automne, il a très bien commencé sa faena à droite avec beaucoup de ligazon ; le tendido 7 ayant protesté parce qu’il ne se croisait pas assez il a écouté et le toro s’est décomposé : il est difficile voire impossible de lier en se croisant en permanence (il faut se replacer).

Pecho de Clemente, à Hadrien, n°120 de Margé, à Nîmes, le 14 septembre 2024. ©JYB

Parmi les Français, seul Clemente semble avoir une chance de percer en Espagne même si ses premières tentatives n’ont pas été couronnées de succès et où il reste inconnu. Les autres matadors français, sans l’appui de grandes maisons et sans triomphes susceptibles d’impacter de l’autre côté des Pyrénées n’ont que peu d’opportunité malgré la garantie que leur apporte le circuit français.

Juan de Castilla, à genoux dans la boue en entame de faena devant Ranchero 2, n°941 de Pages Mailhan, à Vic le 19 mai 2024. ©JYB

Les toreros sud-américains en Espagne sont actuellement assez nombreux : 6 ou 7 novilleros parmi lesquels Bruno Aloï à suivre et chez les matadors Juan de Castilla auréolé de sa double journée à Vic et Madrid, Isaac Fonseca qui tient bien sa place et Jesus Enrique Colombo qui fait le spectacle et tue bien.

Diego Ventura sur Bronce pose les banderilles sans rênes, à Saragosse, le 13 octobre 2024. ©JYB

En ce qui concerne le rejon, l’escalafon est là aussi vieillissant : Ventura domine.

Léa est une cavalière extraordinaire mais a perdu des trophées à l’épée car il lui manque un cheval de muerte (très rare et difficile à former).

Guillermo Hermoso de Mendoza va perdre le soutien de son père et devra bâtir sa carrière sur ses seules qualités.

LES GANADERIAS :

Après la dure période des années 80 à 2000 où les toros chutaient, on constate aujourd’hui qu’ils ne tombent plus. Peut-être parce qu’on les fait courir, mais sans doute plus spécifiquement parce qu’ils sont mieux suivis sur le plan sanitaire : il y a aujourd’hui une médecine vétérinaire du sport qui s’applique aux toros !

Dalia, n°15 de Victoriano del Rio, lidié à Séville le 27 septembre 2024 par Alejandro Talavante. ©JYB

Les 3 fers pour les vedettes sont restés sur leur position dominante : Victoriano del Rio, Nunez del Cuvillo et Garcigrande. Victoriano se détache car ses bons lots ont la noblesse, la caste et une certaine exigence. Nunez del Cuvillo et Garcigrande, moins réguliers et moins brillants sont en baisse.

De son côté Juan Pedro Domecq (qui reste en tête de l’escalafon ganadero) a eu une temporada inégale.

Plantavinas, n°90 de Victorino Martin, lidié à Séville le 13 avril 2024 par Andres Roca Rey. ©JYB

Parmi les ganaderias encastées, Victorino Martin domine incontestablement. Victorino est un grand ganadero car il a su adapter ses toros à la toreria actuelle sans perdre leur caste.

Pellea de toros de Santiago Domecq à la ganaderia , le 18 février 2024. ©JYB

Santiago Domecq a été régulier et sorti des lots exigeants et mobiles. Il est étonnant qu’il soit négligé par les leaders de l’escalafon.

La Quinta n’a pas eu le rendement du passé même si l’élevage a sorti une grande corrida à Madrid et un très bon toro à Séville.

Pijotero, novillo n°67 de Fuente Ymbro, lidié à Madrid le 3 octobre 2024 par Alejandro Chicharro.©JYB

Fuente Ymbro a sorti 2 bonnes corridas à la San Isidro et Bilbao et beaucoup de bonnes novilladas. Roca Rey l’a affronté à 2 reprises, mais il n’est pas sûr qu’il renouvelle l’expérience.. On espère revoir ces toros en France l’an prochain.

Jules César, toro n°278 de Margé, à Nîmes, le 14 septembre 2024. ©JYB

Il faut rajouter à ce groupe Margé qui a sorti des lots exceptionnels à Dax et Béziers (sans oublier Nîmes où le vent a empêché des triomphes attendus). L’élevage devrait sortir à nouveau en Espagne (Madrid) en 2025.

Retrirado, n°12 de Sobral, à Céret, le 6 juillet 2024. ©JYB

Les ganaderias toristes ont moins d’aura qu’il y a 30 ans : Dolores Aguirre reste la plus régulière. Los Manos a sorti un bon lot à Vic. La nouveauté viendra des élevages portugais qui montent en puissance : Murteira Grave à nouveau triomphateur d’Azpeitia, Sobral à Céret.

Compte rendu et photos de Jean Yves Blouin https://facealacorne.fr/