Marc Thorel pendant sa conférence sur les heurs et malheurs de la Grande Plaza du Bois de Boulogne. ©JYB
En ouverture de son assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, lâUnion des Bibliophiles Taurins de France prĂ©sentait son dernier livre publiĂ© : « Toreros dans la ville lumiĂšre » de Marc Thorel.
Rappelons que lâUBTF est un Ă©diteur associatif dont le seul objet est de publier des ouvrages documentaires ou historiques sur la corrida et les arĂšnes de France.

Pour mettre lâeau Ă la bouche au nombreux auditoire prĂ©sent, elle avait invitĂ© lâauteur Ă raconter, ce qui occupe une grande partie de lâouvrage, lâhistoire des arĂšnes de la rue PergolĂšse, la plus grande arĂšne du monde Ă sa crĂ©ation, mais qui nâaura durĂ© que 4 ans mĂȘme si elle aura vu passer quelques-uns des plus grands toreros de lâhistoire tauromachique.

En ouverture de son exposé, Marc Thorel explique comment il découvre chez un libraire de la rue de Chùteaudun un dossier sur les arÚnes de la rue PergolÚse, dont il récupérera une bonne partie quelques années plus tard.
Pour en savoir plus sur les toreros Ă Paris, il faut consulter le livre : Marc Thorel y signale des spectacles taurins en 1879, 1884, 1887, pourtant Auguste Lafront dans son histoire de la corrida en France en cite en 1865. Mais il sâagissait soit de spectacles « hispano-français » soit de « parodies ».
LA CREATION DE LA PLAZA.
En fait, câest lâexposition universelle de 1889 qui provoque la crĂ©ation de la plaza de la rue PergolĂšse : comment mettre en valeur lâEspagne auprĂšs des parisiens et des visiteurs ? Un seul moyen : leur prĂ©senter des corridas !
Mais tout ne va pas sans mal ! Contre la construction des arĂšnes, les riverains se mobilisent pour des motifs futiles (des corniches en saillie non conformes !). Pourtant les arĂšnes sont construites et prennent rapidement le nom de Grande Plaza du Bois de Boulogne : grandes, elles le sont Ă lâĂ©vidence avec un ruedo de 56 mĂštres de diamĂštre et une capacitĂ© de 22000 places ; de plus, luxueuses, puisque, au lieu de gradins et de bancs, on dispose de fauteuils, quâelles seront couvertes et Ă©lectrifiĂ©es dans lâannĂ©e qui suit etc.

Les organisateurs du projet sont le Duc de Veragua, sommitĂ© du monde taurin de lâĂ©poque, le Comte de Patilla, et le Comte del Villar. Tous 3 sont Ă©leveurs de toros⊠Les propriĂ©taires des arĂšnes seront Antonio Hernandez le gĂ©rant et Ivo Bosch, le financier. Joseph Oller, lâhomme des festivitĂ©s parisiennes de lâĂ©poque, aurait Ă©galement contribuĂ© au projet, mais câest plutĂŽt une lĂ©gende.


Les travaux ayant pris du retard, aprĂšs un permis de construire tardif, mais une construction menĂ©e au pas de charge en 2 mois (!) lâinauguration ne pourra sâeffectuer que le 10 aoĂ»t 1889, alors que lâexposition avait dĂ©jĂ accueilli plus de 4 millions de visiteurs ! Mais ensuite on donnera 2 corridas par semaine.

Les « figuras » au cartel seront Currito, fils de Cuchares, F. Garcia, un torero navarrais et Frascuelo, plutĂŽt aventurier, frĂšre du grand Frascuelo. Il est vrai que câĂ©tait le plein de la temporada en Espagne. Les vraies vedettes viendront plus tard, dont Angel Pastor et surtout Luis Mazzantini.

Pour contrer les attaques de la SPA qui proteste contre les picadors et le massacre des chevaux, on fait appel Ă des rejoneadors portugais qui alterneront avec les piqueros. Surtout, on protĂšge les chevaux avec les premiers caparaçons (alors que leur officialisation nâinterviendra quâen 1926). En outre, la mise Ă mort nâest initialement pas autorisĂ©e mais le deviendra sous la pression du public.
CâEST LâAUTOMNE QUI SERA SOMPTUEUX.
Parmi les matadors qui officieront rue PergolĂšse, Angel Pastor, Guerrita, Valentin Martin, Luis Mazzantini, (portant un costume avec des colombes sur les Ă©paulettes ce qui plaira beaucoup aux dames et lui vaudra le surnom dâEl Palmolillo), Lagartijo.

Mais il ne faut pas oublier que pendant cette exposition universelle, Paris compte pas moins de 5 arĂšnes oĂč sont donnĂ©s des spectacles taurins : Celles de lâexposition seront fermĂ©es parce que Lagartija y a tuĂ© un toro Ă lâĂ©pĂ©e et sans autorisation ! Les artistes viennent aux arĂšnes dont Toulouse-Lautrec, Caran dâAche, JL Forain etc.
De nouvelles revues taurines paraissent et des opuscules sur la corrida sont édités pour informer les spectateurs.

ParallĂšlement les salles de spectacles accueillent des gitanes (trĂšs surveillĂ©es par leurs pĂšres ou maris qui ne visiteront jamais Paris !) et aux Folies BergĂšres, la Tortajada qui chante notamment El cafe de Chinitas, repris en direct dans la salle par un artiste contemporain qui a jouĂ© le spectacle « des toros dans la tĂȘte ».

LES EFFORTS POUR TENIR AVANT LA CHUTE
DĂšs 1890, les attaques des anti corrida vont se multiplier. Par ailleurs, la mairie de Paris ne paie pas ses factures aux entrepreneurs qui ont construit les arĂšnes et les investisseurs espagnols sâesquivent eux aussi en se dĂ©clarant en faillite. Lâentreprise est confiĂ©e Ă Arthur Fayot qui sera empresa de presque toutes les arĂšnes de France, mais qui, Ă Paris sera obligĂ© de trouver des solutions ailleurs. Il embauche Maria Genty, Ă©cuyĂšre de talent qui sera briefĂ©e par des rejoneadores portugais ; puis il propose des spectacles divers comme 5 mois au Soudan, des concerts, des Ă©vĂ©nements sportifs, mĂȘme des patinoires (trop couteuses en terme de fonctionnement) et mĂȘme les « indios » qui seront interdits par la prĂ©fecture comme spectacle dĂ©gradant. Pour rentabiliser lâentreprise, il fait appel aux toreros français et aux toros de Camargue que lâon peut rĂ©employer !
Mais la chute est inĂ©luctable et en 1893 les arĂšnes sont vendues Ă des investisseurs seulement intĂ©ressĂ©s par le terrain. Et la Grande Plaza du Bois de Boulogne sera dĂ©molie par lâentreprise Lapeyre. La rue Lalo occupe aujourdâhui leur ancien emplacement.
Au total, elle aura vu passer 130 corridas environ, et fut la seule oĂč de vraies corridas furent donnĂ©es, les spectacles de lâHippodrome pouvant ĂȘtre qualifiĂ©s de mixtes. Plus significatif, câest la premiĂšre fois que des documents officiels mentionnent que les toreros sont des artistes.
Au final, une excellente mise en bouche pour un livre qui devrait avoir sa place dans toute bonne bibliothĂšque taurine. Il peut ĂȘtre commandĂ© sur le site de lâUBTF :
Au cours de lâAG qui a suivi, le prĂ©sident Philippe de Graeve a annoncĂ© les prochaines parutions qui susciteront sans doute autant dâintĂ©rĂȘt que ce livre, mais nous en reparlerons.
JY Blouin https://facealacorne.fr/