Câest une des richesses du Club Taurin de Paris, de ne pas se contenter dâinviter les gloires mĂ©diatiques du moment, mais de rendre hommage Ă ceux qui ont fait vivre la corrida et mĂ©ritent de laisser leur trace sur le « wall of fame » du monde taurin.
Câest Ă ce titre, que Vicente Ruiz El Soro Ă©tait lâinvitĂ© du CTP en ce 4 mars, et lâon peut dire quâil nâa pas déçu !
En le prĂ©sentant, Nicolas Havouis le dĂ©crit comme un homme qui a fait des folies ! Mais surtout comme un torero populaire, en remarquant quâen Espagnol, pueblo signifie Ă la fois peuple et village. DâoĂč lâamour qui dure depuis toujours entre El Soro et le peuple de Foyos son village natal.
Cartel de la corrida de Caceres, du 29 mai 1983.
Il souligne quâEl Soro est un torero majeur des annĂ©es 80-90 et un des plus grands banderilleros de lâhistoire taurine : en tĂ©moignent ses cartels avec Espla, Mendez, Morenito de MaracaĂŻ et Nimeno. Câest un modĂšle dâalegria en tauromachie qui a survĂ©cu Ă dâinnombrables blessures et rĂ©ussi Ă surmonter la destruction de son genou dans les arĂšnes pour revenir torĂ©er aprĂšs 20 ans de soins et dâopĂ©rations.
Il lui attribue la phrase : « jâaime les paellas mais pour faire ce que jâai fait, il faut des « cojones » (attributs qui ne sont pas spĂ©cifiquement masculins mais parfaitement taurins !)
Cet accueil se termine par un « aurresku » musical offert par Michel Pastre, saxophoniste de jazz bien connu qui sortira de son registre pour enchainer sur un paso doble appris la veille. Visiblement El Soro apprécie et rythme les thÚmes de ses battements de mains.
El Soro lui-mĂȘme prend alors la parole pour Ă©voquer les souvenirs moins de sa carriĂšre de torero que de sa vie : « Jâai 3 amours : Eva (sa compagne), la musique et le toro. » GrĂące Ă ce dernier il a parcouru le monde pendant 20 ans ce quâil nâaurait pu faire dans aucune autre profession.
Son pĂšre Ă©tait novillero et devait faire vivre une famille de 9 frĂšres et sĆurs.
Dans sa jeunesse, il aimait dĂ©jĂ beaucoup la musique, mais alors quâil devait jouer avec la banda des arĂšnes, un jour de corrida, il sâĂ©chappa car il avait dĂ©cidĂ© (Ă 9 ans) quâil ne voulait plus ĂȘtre musicien, mais devenir torero.
Il a mĂȘme fait partie dâune troupe de toreros comiques, dans la partie sĂ©rieuse.
El Soro au Club taurin de Paris, le 4 mars 2025. ©JYB
Sur sa carriĂšre, pourtant brillante, El Soro nâinsiste pas. Il reconnait que ses maitres, les grands banderilleros de son temps, lui ont appris Ă avoir lâintuition du toro pour maĂźtriser le deuxiĂšme tercio. Il a beaucoup aimĂ© sa profession, travaillĂ© son corps « gordito » (enveloppĂ©) pour pouvoir faire mĂȘme le recortador et rĂ©ussir.
Pour lui, dans la fiesta authentique, il y a le toro, lui et rien dâautre. La façon de galoper est le langage du toro mais son regard aussi est un signal. « Sâil nây avait pas de toros, il nây aurait pas dâartistes et le monde nâexisterait pas ! »
Pour rendre hommage Ă trop de ces artistes quâil a vus mourir autour de lui, ( Paquirri, Caceres, Montoliu,) El Soro prend sa trompette et, concentrĂ© et visiblement Ă©mu, joue alors lâAve Maria de Schubert.
El Soro, musicien plein dâĂ©motion, au Club Taurin de Paris, le 4 mars 2025. ©JYB
Question : Valence est une terre de taurins et de musiciens : quel lien fait-il entre la tauromachie et la musique Ă Valence ?
Quand il Ă©tait petit et regardait le ruedo, il voulait ĂȘtre comme Granero torero et musicien. (Granero outre dâĂȘtre un matador de classe Ă©tait un violoniste reconnu). Lâart est le hasard du torero valencien. Et en hommage aux artistes valenciens, El Soro ressort sa trompette et joue un extrait du Concerto dâAranjuez de Rodrigo.
Lui-mĂȘme a connu son lot dâaccidents, subissant 62 sĂ©jours Ă lâhĂŽpital dont 49 pour sa seule blessure au genou, et recevant Ă 3 reprises lâextrĂȘme onction. Ă lâapproche de la mort, « on pense Ă lâamour, Ă la famille et Ă Dieu ».
Dâailleurs, « la vie est un rĂȘve » !
ArrivĂ©e dâEl Soro au Club Taurin de Paris, le 4 mars 2025. ©JYB
Il a dĂ©pensĂ© toute sa fortune pour trouver, aux 4 coins du monde, le chirurgien qui lui permettrait de marcher et courir pour revenir dans lâarĂšne : le docteur miracle qui lâa opĂ©rĂ© voulait lui couper la jambe ! Son obstination Ă vouloir re-torĂ©er nâa pour objet que de montrer aux jeunes gĂ©nĂ©rations le « bon chemin ». 20 ans aprĂšs sa blessure, il revient aux arĂšnes malgrĂ© son poids, maigrit et sâentraine comme avant et il triomphe en 2015 au cours dâune tarde dâanthologie Ă Valence oĂč il est allĂ© Ă porta gayola, assis sur une chaise car il ne pouvait pas sâagenouiller ! Ce jour lĂ , son Mozo de espada refusait de lâhabiller car « câĂ©tait aller Ă la mort ». Mais lui voulait encore ressentir 20 ans aprĂšs, la tension, le toro, le public, les camĂ©ras. MĂȘme son fils ne voulait pas rester aux arĂšnes, par peur de le voir se faire prendre par la corne.
Question : Vous qui avez affronté la mort, que ressentiez-vous à porta gayola ?
Il est allĂ© trĂšs souvent Ă porta gayola, mais le toro est un mystĂšre. La suerte de porta gayola est basĂ©e sur lâattente, la patience, pour capter son attention au dernier moment.
Une fois, agenouillĂ© devant la porte de la peur, il a vu 2 toros sortir en mĂȘme temps : lorsquâon lui a piquĂ© la devise sur le morillo, la rĂ©action du premier a Ă©tĂ© telle quâil a dĂ©foncĂ© la porte du chiquero voisin et que les deux toros sont sortis ensemble : Ă©motion !
El Soro musicien au Club Taurin de Paris, le 4 mars 2025. ©JYB
En guise de conclusion, El Soro joue « Comme dâhabitude » avant dâenchainer avec « Valencia » en duo avec Michel Pastre, sous les applaudissements dâaficionados enchantĂ©s.
El Soro avec Araceli Guillaume Alonso, Nicolas Havouis et Patrick Guillaume au CTP le 4 mars 2025. ©JYB
La soirĂ©e se poursuivra dans un bar Ă vins voisin oĂč El Soro signera le livre dâor du Club et apprĂ©ciera lâenthousiasme des membres du CTP et se pliera volontiers aux obligations de la photo souvenir.
El Soro avec une partie des membres du CTP le 4 mars 2025. ©JYB
Et pour ne pas oublier que Paris est terre dâaficion, rendez-vous dimanche 9 mars Ă 10h30 au cinĂ©ma Arlequin Rue de Rennes pour la projection en avant-premiĂšre de Tardes de Soledad, en prĂ©sence dâAlbert Serra .
JY Blouin texte et photos https://facealacorne.fr/