
L’Hispano-pĂ©ruvien Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littĂ©rature, est mort dimanche Ă Lima Ă l’Ăąge de 89 ans. Dernier reprĂ©sentant de la gĂ©nĂ©ration dorĂ©e de la littĂ©rature latino-amĂ©ricaine, il a Ă©tĂ© le premier Ă©crivain Ă©tranger Ă entrer de son vivant dans la prestigieuse collection de la PlĂ©iade. GĂ©ant de la littĂ©rature ce fut un dĂ©fenseur inlassable de la tauromachie. ce fut aussi un tenant de la dĂ©mocratie libĂ©rale ce qui lui valut la haine tenace de l’extrĂȘme gauche latino-amĂ©ricaine. Il s’inscrivait pourtant contre les dictatures militaires (de droite comme de gauche) et contre les inĂ©galitĂ©s sociales endĂ©miques du continent. Il faut le lire pour comprendre l’histoire de l’AmĂ©rique Latine. C’Ă©tait aussi un grand amoureux de la France et de sa littĂ©rature; passionnĂ© de Victor Hugo et des « MisĂ©rables » roman pour lequel il a Ă©crit une magnifique prĂ©face. Il a Ă©tĂ© le pilier de ce que l’on a appelĂ© le BOOM cette gĂ©nĂ©ration dorĂ©e latino-amĂ©ricaine qui a rĂ©unit d’immenses Ă©crivains comme Garcia Marquez, Ruflo, Cortazar, Neruda ou Borges. Il Ă©tait l’ultime pilier de cet ensemble disparate, gĂ©nial et humaniste. Il fut un des animateurs de ce qui fut sans doute le mouvement littĂ©raire le plus important de la seconde moitiĂ© du XXĂšme siĂšcle.
Grand dĂ©fenseur de la tauromachie comme ses pairs, Garcia Marquez notamment, il n’hĂ©sitait pas Ă se montrer une cape Ă la main ou coiffĂ© d’une montera pour tĂ©moigner de son soutien Ă l’art de Cuchares. Il en avait fait une de ses causes essentielles car il en avait bien perçu les enjeux culturels et sociologiques. Nous perdons un de nos plus brillants soutiens au moment oĂč nous en aurions le plus besoin; une voix unique et convaincante, ainsi va le monde…
Membre de l’acadĂ©mie française, Vargas LLosa restera l’auteur d’un chef d’Ćuvre de la littĂ©rature taurine : « Dialogue avec Navegante » de JosĂ© Tomas , Mario Vargas Llosa (Au diable Vauvert (Vauvert, France).
«âQuand Jupiter dĂ©cida de prendre lâapparence dâun taureau bravo pour enlever Europe, ce rapt avait trĂšs peu Ă voir avec lâart. Lâaction Ă©tait exceptionnelle sans doute, mais il y manquait la chorĂ©graphie, le rythme, la liturgie et, surtout la volontĂ© artistique. Car il ne sâagit pas seulement de faire preuve de hardiesse et de vaillance mais, avant tout, de produire de la beautĂ© [âŠ] Lâimmense majoritĂ© des animaux tuent et dĂ©truisent pour se nourrir, tuer est un moyen qui leur permet de subsister. Le taureau bravo charge, blesse et tue parce que câest sa maniĂšre propre de vivre, la seule quâil ait [âŠ] Lâart du toreo surgit quand lâhomme qui va combattre, armĂ© seulement dâun chiffon rouge, doit, sâil ne veut pas pĂ©rir hachĂ© par les cornes, dominer la science du leurre, danser, bouger, esquiver la charge et, en mĂȘme temps interprĂ©ter ce ballet de la survie, dessiner des figures, des images, qui obligent le taureau Ă danser lui aussi, pour rĂ©pondre Ă ses postures et ses feintes, tandis quâil attaque le torero et tente de le tuer.â»
Mario Vargas Llosa, Monologue du taureau
R.I.P. Mario ! Tu Ă©tais de la famille. Son meilleur reprĂ©sentant. L’Ă©gal de Picasso, de Hemingway, de Lorca car la tauromachie est universelle. PĂ©ruvien, tu avais le courage d’AndrĂ©s dans tes prises de position, son charisme car tes romans s’adressaient Ă tous et sa profondeur car ton Ćuvre a, derriĂšre sa beautĂ©, un sens cachĂ© ultime: l’humanisme.
Pierre Vidal