C’est au site de mon ami Paul Hermé torofiesta.com que j’emprunte ce bel hommage -car on ne saurait si bien dire- à Jacques Joulin. Patrice Quiot a trouvé, comme souvent, les mots pour évoquer cette figure aimée, que pour ma part j’ai toujours respectée et écoutée. Sur la photo, il « les » a réunis dans un moment d’amitié montrant ainsi que l’impossible n’existe pas pour l’aficionado résolu et les cœurs purs comme celui qui battait dans la poitrine du « Pato de Tyrosse ».
PV
« Pato » : Il voulait être torero…
Et ça ne l’avait pas fait.
Même si, en 1982, au cartel avec Olivier Baratchart, Michel Bertrand, Philippe Burgain, Evelyne Fabregas, Roger Ferreira, Olivier Martin devant des becerros de François André, il avait rempli les arènes de son pueblo.
Alors, il s’était reconverti.
Il vivait en Espagne depuis plus de vingt ans.
Les toros toujours dans la tête.
Une maïsse gitana avec l’accent de Dédé Prat.
Et la débrouille por delante.
Mozo d’espadas en cravate mal nouée et veste chiffonnée.
Revendeur occasionnel de billets.
Cocinero de «delicatesen » de cantine.
Un peu de bric et beaucoup de broc.
Fourgueur de foie gras que continuait à fabriquer sa grand-mère décédée.
Un carnet de commandes de clients dont le «paté» marquait l’ascension sociale.
Un carnet d’adresse épais des mêmes.
Et qui le laissait croire à une amitié.
Il bricolait.
Par-ci, par-là
Sin dinero.
Dans une humble poésie de souvenirs en anecdotes.
Il s’essaya entre autres à organiser des festivals.
Dont celui de Pomarez en 2011 avec Curro Díaz, Finito et Morenito de Aranda.
Un fracaso financier.
En fumée de cigarettes et distillats d’armagnac.
Maletilla du comercio.
Trafiquant du plaisir.
Vagabond du sentiment.
Solitaire des chemins de traverse.
Il allait
Et venait.
Personnage de bande dessinée.
Nomade du paysage taurin.
De Paco Dorado, José Mari au Cordobés hijo.
De Juan Pedro Domecq et Murube à Bohórquez.
D’Ojeda et Campuzano à Espartaco.
De Daniel Luque à Andrés Roca-Rey.
Une famille de raccroc.
Pour remplacer.
Celle.
Qui ne voulait plus le connaître.
Un orphelin.
De vraies racines.
Qui pensait avoir trouvé les siennes.
Dans le débridé d’une vie.
Il allait et venait.
De Gerena à Hinojos.
Sa peña «El Pato Arte y Sentimento»
En bannière.
Mais loin des Landes, des pins.
Du stade de La Fougère.
Et de la banda Esperanza pour la Ste Cécile des fêtes de Tyrosse.
Avec le temps qui passait.
Sonnant.
Inexorablement dans des tentaderos presque quotidiens.
Les clarines de l’âge.
Pour un dernier tiers.
Outrance en paillettes.
Volubilité en adornos.
Arlequinades de façade.
Et solitude au centre du ruedo de la vie.
Il roulait a su aire.
Rigolant de se cabosser les ailes.
Au rugueux des murs.
Qui ne connaitront jamais le lustre des carteles qu’il disait.
Les discours, le mousseux et les chips de la retraite.
N’étaient pas dans son ciel.
Même si ses rêves pas aboutis.
Commençaient à avoir l’accent de l’aigreur.
Il était comme il était le Pato.
Une nomenclature de l’excès.
Un Zampano de l’outrance.
Qui laissaient entrevoir la tristesse d’un long hiver.
Il était comme il était le Pato.
Beaucoup riaient de lui, certains le rejetaient, d’autres l’aimaient.
Ombre de pauvre bohemio souvent en incartade.
Lumière de perpétuel romántico toujours en dérive.
Il est mort seul, samedi.
Dans sa cambuse de Gerena.
« Por causas que en las próximas horas se analizarán en el Instituto de Medicina Legal de Sevilla.
Aunque todo apunta a «algo natural», pouvait-on lire dans l’ABC de Sevilla du dimanche.
On ne sait rien.
De ce qu’il adviendra.
De son corps.
Amaigri.
Mais il est certain.
Qu’à la taquilla du ciel.
Il trouvera dans une enveloppe à son nom.
Un callejón d’éternité.
C’était le Pato de Tyrosse.
Il avait soixante-cinq ans.
Et Jacques Joulin.
Était son nom.
Patrice Quiot torofiesta.com