
En tauromachie rien n’est écrit d’avance. C’est ce qui fait le succès durable de ce spectacle car l’être humain est avide de surprises mais cela constitue aussi sa faiblesse car tout, dans le monde moderne, est fait pour éviter les conséquences de ces surpises. Il faut un univers lisse et prévisible qui nous évite le traumatisme ou le désordre de l’inattendu. Il faut donc prévoir, planifier ; lire dans le marc de café en réalité car le futur est par essence imprévisible… et la tauromachie qui est une leçon de vie illustre parfaitement cette « vérité vraie » mais politiquement incorrecte…
Inattendu, on l’a vu ces dernières semaines, le retour (durable) à son meilleur niveau de Morante de la Puebla qui a secoué l’Espagne, mobilisé les médias de tout le pays et enthousiasmé Madrid obligeant le torero cigarerro à sortir sur le balcon de son hôtel pour saluer ses fans venus en nombre l’acclamer. « Je vous aime » a déclaré le torero de La Puebla. C’est plutôt nous qui l’aimons !
Inattendu aussi, la présence et la réussite de Morenito de Aranda pour un « un contre six » dans ces arènes de Vic-Fézensac où les succès sont d’autant plus importants qu’ils sont rares. Morenito, il y a peu encore, pensait renoncer car même si ses qualités toreras étaient reconnues, le téléphone avait cessé de sonner. Ce sont les mystères d’un milieu parfois mesquin, médiocre souvent. Il a fallu l’acharnement d’un jeune apoderado, Jean François Pilés, et l’adhésion du public du sud-ouest pour le relancer. C’est une aventure qui évoque celle d’Emilio de Justo tombé aux oubliettes -il vivait d’un billet de 5 euros par semaine- et présent désormais en première ligne.
Morenito sera dimanche à Aire avec Manuel Escribano, guerrier flamboyant qui eut du mal à s’imposer lui aussi et du français Carlos Olsina injustement méconnu sur les terres occitanes -il a pourtant débuté en costume de lumières à Mimizan.
Voilà un cartel séduisant pour ces arènes Maurice Lauche qui renaissent lentement de leurs cendres. Les toros de Pedraza de Yeltes, ganaderia fétiche sur ces terres, ambassadeurs privilégiés du Campo Charro exigeront de ce trio d’exception, expérimenté, décidé à triompher, un effort à mesurer avec justice. Il consacrera, on le souhaite, le retour inattendu (parce que long à venir) au premier plan des arènes aturines.
Pierre Vidal
PS Une pensée aussi pour Istres à l’autre bout du sud de la France et notamment pour le jeune Solal qui jouera vendredi une partie importante pour son avenir: suerte amigo !