Deux faenas extrêmement engagées, une présence  en piste qui a ému les 22300 spectateurs, un brindis à l’Infante présente en barrera pour le jour de la Hispanidad dans lequel le jeune matador mexicain , tout sourire, remercie la couronne d’Espagne pour son soutien à la corrida, une détermination, un courage et un engagement sans nom, au péril de sa vie, et au bout de tout cela, malgré l’émotion, le danger absolu et un défi incroyable à la mort qui rôde, une pétition d oreille minoritaire certes , mais  un retentissement  énorme dans le public, malgré tout cela, comme s’il ne n’était rien passé, Madrid a maltraité ce torero.

 Pourquoi ? Les épées ? un peu trop ceci ou cela alors que les oreilles tombent pour des estocades traseras ou des presque bajonazos pour d’autres ?

La réponse est simple : Madrid ne reconnait que très exceptionnellement les œuvres des latino-américains.  Ce fut le cas souvent dans un passé récent, et on est presque gênés de rappeler le mot méprisant d’Antonio Ordoñez à un des frères Giron dans les années 50 : « Mira como se torea, Indio ! »( Regarde comment on torée, Indien !).

J’ajoute qu’en tauromachie comme en chant lyrique, le minimalisme , ou l’absence de voix, de coffre, de présence, priment aujourdhui, nouvelle forme d’esthétique un peu coincée sous prétexte de profondeur. La tauromachie populaire, les grands élans de l’âme, comme les grands airs verdiens ou pucciniens relèvent de toreros ou de chanteurs « couillus » à ‘grosses voix’, qui font vibrer les murs ou les gradins et se passent d’amplificateurs. La récitation molle d’un répertoire classique par un torero vieillissant qui n’invente plus rien et n’a donc plus rien à dire… cela m’ennuie.

La formidable joie d’aller au contact d’un toro brave comme nous le montrent tous les jours des ADAME, ROCA REY, SERGIO FLORES,ISAAC FONSECA, est à mes yeux la justification première de cet art archaïque et superbe qu’est la corrida.

Jean François Nevière.