Istres. Dimanche 16, aprĂšs-midi, quatriĂšme et derniĂšre corrida de feria , arĂšnes combles, temps ensoleillĂ©, tempĂ©rature agrĂ©able, deux heures quarante-cinq de spectacle. Six toros de Juan Pedro Domecq, bien prĂ©sentĂ©s, de 480 Ă 528 kilos chez lâĂ©leveur, tous une pique prise avec une honnĂȘte bravoure, de grande noblesse Ă la muleta, le quatriĂšme graciĂ©.
Enrique Ponce Ă reçu son portrait offert par la mairie dâIstres et Bernard Carbuccia.
Présidence Louis Colin, assesseur Gille Raoux . Musique Chicuelo II, Cavalerie Alain Bonijol.
Enrique Ponce (blanc et azabache), au premier, deux pinchazos, une entiÚre, avis, salut ; au quatriÚme, une queue symbolique, toro indulté (grùcié).
David Galvan (bleu marine et or), au deuxiĂšme, une entiĂšre, deux oreilles ; au cinquiĂšme, une entiĂšre, avis, une oreille
Clemente (bleu roi et or) au troisiĂšme, une entiĂšre, avis deux oreilles ; au dernier, une entiĂšre, avis, une oreille.
Comme un ange qui passait⊠lâarĂšne devenait silencieuse, comme retenant son souffle, au centre du ruedo, le torero vĂȘtu de blanc et de noir continuait dâaligner des passes. Mais ce nâĂ©taient plus des passes, des signes portĂ©s par un « drapelet » qui se contorsionnait sur le sable et attirait inlassablement ce toro de Juan Pedro Domecq. PrĂšs de cinq cents kilos de muscle, des cornes pour tuer, mais celui qui fut le prince, aujourdâhui le roi dâIstres, le grand Enrique Ponce poursuivait avec cette indolence qui fait que la muleta est toujours trĂšs basse et caresse le sable. Un art inimitable de la tauromachie. Dans le public on entendit les premiers cris « indulto⊠indulto ». Le torero se tourna vers la prĂ©sidence et poursuivit quelques minutes encore. Le grondement sâamplifiait « Indulto⊠Indulto ». Ne tuez pas ce toro de tant de noblesse ! Et soudainement le mouchoir orange jaillit sur la table de la prĂ©sidence.







Enrique Ponce qui faisait ses adieux Ă lâaficion dâIstres, venait de gagner son pari et de lui offrir ce qui lui tenait le plus Ă cĆur⊠Lui qui avait toréé en smoking sur ce sable se retirait en empereur. Entre Ponce et Istres il y avait comme une passion fusionnelle. On lâa parfaitement, ressenti pour cette derniĂšre corrida de la feria. Derniers gestes dâun trĂšs grand Monsieur, Enrique Ponce continuant dâenchaĂźner des passes conduisait le Juan Pedro Domec jusquâĂ lâentrĂ©e du toril et dâun geste lui indiqua le chemin que suivit lâanimal qui disparut sous les arĂšnes. La queue symbolique en main Ponce entame un Ă©norme tour dâhonneur, passant devant les areneros au garde Ă vous, puis devant les hommes de chevaux et les monosabios, le maĂźtre de ces hommes, Alain Bonijol retirant sa casquette. Un baiser au sable de lâarĂšne, Ponce avait rempli son contrat et les arĂšnes dâIstres offert un des plus beaux hommage Ă ce maĂźtre la tauromachie pour sa derniĂšre sortie.
Ce respect, cette amitiĂ© mutuelle allait se poursuivre aprĂšs la sortie en triomphe des trois acteurs car cette corrida fut celle dâune rĂ©ussite totale.
Revenons quelques instants sur cette course⊠Enrique Ponce accueilli par des applaudissements Ă lâissue du paseo, se montrait sĂ©duisant Ă la cape Ă la fin de son tercio brindant au public il offrait ses longues sĂ©ries de derachazos et de naturelle, dans un style dĂ©pouillĂ© et trĂšs lent quelques rond coimplet. De quoi triompher mais lâĂ©chec Ă la mort remettait tout en question.
Venait ensuite David Galvan avec un tercio de cape illustrĂ© de quelques chicuelinas et aprĂšs avoir brindĂ© Ă Ponce signait de grandes sĂ©ries sur la main gauche. Avec son second adversaire il ouvrait par une sĂ©quence de chĂątiments prĂ©lude Ă une immense sĂ©ries de naturelles. Un belle rĂ©ussite quâil essayait de poursuivre sur le mĂȘme style mais en sĂ©duisant un peu moins la prĂ©sidence.


Le troisiĂšme homme Ă©tait un petit lutin Clemente⊠qui avait peut ĂȘtre un vieux compte Ă rĂ©gler avec Ponce mais sur lâart du fleuret mouchetĂ©. Le garçon bordelais dâorigine ayant choisi le Sud-est nâa jamais oubliĂ© que quelques semaines aprĂšs son alternative il avait Ă©tĂ© au cartel avec le Maestro Ponce. ArĂšnes sulfureuses, celles de lâamiral Carrero Blanco, Ă©minent franquiste, que Santoña oĂč le sable disparaĂźt sous la mer qui monte avec la marĂ©e. Ce jour lĂ le petit jeune, Clemente avait donnĂ© une leçon au Maestro mais avait Ă©tĂ© blessĂ© Ă la mise Ă mort. Dimanche Ă Istres les deux oreilles coupĂ©es Ă son premier toro lui permettaient de sortir en triomphe, aux cĂŽtĂ©s de Ponce ce quâil aurait du faire une quinzaine dâannĂ©es auparavant. Clemente nâavait pas lĂ©sinĂ© sur les moyens. Une faena essentiellement sur la main gauche, un temple parfait et dans les moments de domination dansant devant les cornes du Juan Pedro Domecq. Il revenait avec autant de volontĂ© servant dâentrĂ©e deux faroles et une vĂ©ronique Ă genoux. Ce toro brindĂ© Ă Ponce il allait le « distiller » tout en douceur, muleta au bout des doigts et sachant tirer les derniers soupirs Ă cet animal qui allait a menos. Du grand Clemente.






Un final de la feria dâIstres que personne nâimaginait, marquĂ© par lâĂ©motion, la qualitĂ© tauromachique et une belle rĂ©ussite.
Jean-Michel Dussol
Photographies bruno Lasnier