
La ganaderia Cuillé va faire l’actualité du sud-ouest dans les semaines qui viennent. On verra l’élevage du « Grand Barnon » lors de la novillada de Mont-de-Marsan le 22 juillet en matinale au Plumaçon puis quelques jours plus tard à Villeneuve-de-Marsan au cours d’une corrida complète le 8 août à 19 heures. L’élevage est un des rares qui soit mené par une femme, Dominique Cuillé qui a fait face à ses obligations lors du décès prématuré de son mari Philippe. Là où beaucoup aurait choisi l’abandon elle a voulu continuer l’aventure et porter le flambeau qui lui avait été transmis dans un monde dominé par les hommes et dans un contexte difficile. C’est une gageure. Une sorte de pari que Dominique Cuillé assume avec sérénité. Faisons pour commencer le point avec elle sur l’élevage :
-La saison 2022 a été favorable pour la ganaderia. A Mont-de-Marsan la novillada a été bonne, la preuve c’est qu’elle est renouvelée cette année et j’ai eu un prix à Millas, lors de la novillada concours et, en hommage à Philippe, j’ai sorti une corrida dans les arènes d’Alés. C’était la première de la ganaderia. Elle a été très correcte aussi. Le bilan de l’an dernier a été positif ce qui m’encourage à continuer, à ne pas baisser les bras bien que je sois novice dans ce travail de ganadera et bien que, par moment, ça soit compliqué. Je m’occupe des bêtes toute seule avec mon mayoral Gaëtan Gontier qui est très précieux. A tous les deux on essaie de faire le maximum mais j’ai aussi des amis comme Marc Serrano qui me donnent des conseils. Cette saison je n’ai pas énormément de bêtes : j’ai eu novillo à Arles qui est bien sorti, il y a une novillada piquée à Mont-de-Marsan, une corrida à Villeneuve-de-Marsan et un novillo pour la concours de Millas. Je n’ai pas à me plaindre, je croise les doigts… On va voir.

-Dans quel contexte avez-vous débuté à la tête de l’élevage ?
– Philippe a eu un moment un élevage de toros camargue avec de beaux succès, des « bious d’or » notamment. Mais il rêvait de toros espagnols, il a donc acheté un lot à Sepulveda. Il voulait un élevage un peu difficile. Il a gardé cet ensemble quelques années puis il y a eu deux cas de tuberculose et il a fallu tout abattre ce qui a été un passage très douloureux. Philippe est donc reparti avec des Miranda de Pericalvo : des vaches et un étalon et c’est l’élevage qui est toujours au mas. Philippe n’est plus de ce monde et mes deux garçons avons gardé le mas et par un concours de circonstances c’est moi qui ait hérité de l’élevage alors que je ne m’en occupais pas et que je n’y connaissais rien.
-C’était un sacré pari…
-J’ai tout appris. Cela fait six ans maintenant. Je ne savais absolument pas de quoi il retournait au début. Mais il y a eu des satisfactions qui me poussent à continuer. Nous avons quatre sementals nés sur le mas et 68 vaches. Le cheptel n’est pas énorme mais ma préoccupation c’est d’avoir peu de bêtes mais de belles bêtes. Il me manque des têtes car on m’en demande plus que j’en ai mais je fais avec ce que j’ai et je veux un élevage avec des animaux bichonnés. Sur le mas il y a aussi des cultures : du riz, du blé, de la luzerne. Nous avons hélas peu d’employés. Cela fait donc des journées très chargées.
-Ce fut une reconversion complète...
-Avant je travaillais en bloc opératoire, en chirurgie. Je venais simplement au mas les week-ends : recevoir des amis, faire la popotte et revenir pour être au bloc le lundi matin. La reconversion a été très brutale. Philippe est disparu en 14 jours. On était trois c’est moins qui m’en suit occupé. J’ai démarré ça je ne savais rien de ce qu’était l’élevage. La question était simple : Philippe disparu qu’est-ce qu’on fait. On ne va ni vendre, ni tout envoyer à la boucherie. Cela fait partie de Badon : il y a les cultures et l’élevage. Ca me plaît, ça m’occupe ; ça n’est pas une obligation : c’est un travail. Après ma retraite de bloc opératoire, je suis entrée dans une nouvelle vie : l’élevage.
-Comment êtes-vous reçue par les professionnels ?
-J’ai eu un mari très respecté dans le monde le tauromachie camarguaise comme dans celui de la tauromachie espagnole. Il était droit dans ses bottes et n’avait qu’une parole. Je pense que les gens sont respectueux et gentil car je suis l’épouse de Philippe et qu’il a laissé une très bonne image. Tout le monde est gentil avec moi. Ils peuvent dire en tournant les talons : « elle comprend rien… » ils n’auraient pas tort, mais petit à petit j’apprends ; j’en suis consciente. Je connais Charlotte Yonnet qui m’épate mais qui est née là-dedans comme Juliette Fano. Moi je suis novice. D’ailleurs il y a peu de femme qui font cela toute seule. Il faut prendre sa place, ne pas avoir 20 ans car sinon vous êtes submergée par ce monde d’hommes. Pour ce qui est de l’avenir je ne sais pas… je ne suis pas encore prête à baisser les bras. Ce que va devenir la ganaderia Cuillé ça me pose un petit souci. J’y réfléchi souvent mais je me dis aussi : vivons au jour le jour et après on verra.
Itw Pierre Vidal