Plaza de toros de Mont de Marsan.  Cinquième de la Feria de la Madeleine. Lleno de No hay billetes.

Toros de La Quinta, le 5º, « Corchaito », vuelta al ruedo.

DANIEL LUQUE, oreille et oreille

EMILIO DE JUSTO, ovation et deux oreilles

CLEMENTE, ovation et oreille

Clemente a été blessé en entrant à matar le sixième toro. Il est resté en piste pour le tuer et il est passé directement à l’infirmerie où il a été dirigé vers l’hôpital de Mont-de-Marsan. C’est une forte cornada dans la cuisse droite de deux trajectoires de douze et quinze centimètres et une autre dans le genou de 10 centimètres.

Emilio de Justo et Daniel Luque ont refusé de sortir en triomphe par respect pour leur malheureux camarade.

Clemente sera remplacé ce dimanche à Châteaurenard par El Rafi.

Sans faire offense à ses pairs, Daniel Luque et Emilio de Justo qui eurent leurs mérites, c’est Clemente qui aura laissé la plus forte impression d’un jour qui restera dans les annales du Plumaçon. Le jeune bordelais qui a des attaches landaises a été parfait d’un bout à l’autre et si je puis dire plus que parfait face au sixième toro. Ce fut une œuvre complète aussi bien par son entrega que par son style, sa personnalité; pétrie d’une toreria que l’on dirait puisé aux sources du Guadalquivir. Quelle classe dans la muleta qui frôlait le mufle de ses adversaires sans qu’ils ne la touchent jamais ! Quel sens du tempo face aux charges des deux bons  La Quinta qu’il toucha ! Qu’elle allure dans les desplantes ! Quelle variété dans ces remates profonds et jamais superficiels.

De Clemente on peut dire : il torée sans toro tant son maintien en piste est élégant, inspiré. Son toreo sobre en réalité s’inscrit dans les canons de la tauromachie. Sans concession il connecte avec les tendidos et c’est cela sans doute le vrai miracle de ce grand espoir de la tauromachie française : un toreo de vérité qui émeut par sa sincérité ce public nouveau dont on se demande s’il va perdurer dans son aficion récente. L’émotion finale due à la blessure sévère qu’il reçut du sixième lors d’une tentative de tuer à recibir fut indescriptible: les gradins scandant « torero ! torero ! » et les clameurs ne sont tues que longtemps après que l’ambulance soit partie. Oui on peut dire qu’hier au Plumaçon une étoile est née !

Parlons des autres et de Daniel Luque pour commencer plus succinctement puisqu’il obtint son succès habituel avec les arguments qu’on lui connaît : la technique et la capacité à transformer des toros nobles mais sans beaucoup de transmission. Il devient le spécialiste de la cause et ainsi il fait bonheur du public certes mais aussi des organisateurs et des éleveurs. Deux faenas du même tonneau, construites avec habileté et fluidité, séduisantes car apprêtées, conclues par deux entières qui firent la différence et qui lui permit d’obtenir de justes récompenses.

Grande faena au cinquième d’Emilio de Justo qui attendit son second adversaire à genou face au toril. Il effectua parfaitement une suerte dangereuse que pourtant il ne pratique que rarement, montrant ainsi ses intentions. Cette puerta gayola fut suivie d’une séries de chicuelinas époustouflantes tant elles étaient serrées. La faena fut d’un très bon niveau, le cacereño s’entendant à merveille avec un La Quinta encasté. L’ensemble avait ainsi du relief et Emilio par ses longues séries à droite d’abord puis à gauche dans toute la seconde partie de son travail mit le feu aux gradins. La musique eut la bonne idée d’interpréter (avec brio) le thème d’Ennio Morricone « Il était une fois dans l’ouest » l’ensemble nous transportant dans le désert de Tabernas où les caméras de Sergio Leone ont concocté ce chef d’œuvre du cinéma. Même si nous étions transportés dans ces lointains déserts, en piste ce n’était pas du cinéma  et malgré un pinchazo suivie d’une entière hasta la bola, Emilio fut justement récompensé de deux oreilles triomphales.

De cette grande tarde nous garderons par-dessus tout le souvenir poignant de la classe et de l’indomptable courage de Clemente injustement oublié un temps et qui revient au premier plan désormais. Demain ce Pape Clément sera encore meilleur car il vieillit bien.

Pierre Vidal