Suite du remarquable texte de Michel Marcos « El Quijote », sur la « tauromachie basque »; la première partie est à retrouver un peu plus en avant dans notre fil d’infos. Merci de continuer à nous envoyer vos textes.
Citons également, concernant les lieux dédiés, les ermitas (ermitages) de Vizcaya —une partie d’entre elles se trouve dans l’enclave cantabrique en Biscaye. Il y en avait trente- quatre dont certaines peuvent être visitées et accueillent toujours des jeux taurins, dont corridas, novilladas et festivals. Le bâtiment religieux, l’ermitage proprement dit, ferme la circonférence (ruedo) formée d’un mur délimitant l’espace de pratique tauromachique, et ceci depuis le XVIIIème siècle. Les moines pouvaient ainsi assister au spectacle sans quitter leur bâtiment, et les intrépides “toreros” se trouvaient de facto sous la protection divine ! La région où sont construits ces ermitages, et dont nous conseillons vivement la visite à nos lecteurs, se nomme “Encartaciones”.
Rappelons enfin à nos anti que la première corrida célébrée en France le fut à Bayonne, le 17 janvier 1701 (en l’honneur de Felipe V d’Espagne), puis (rive droite il est vrai…) en 1852 (Eugenia de Montijo, Théophile Gautier…). Plus basque, …
En voyant leur drapeau mis en avant contre la corrida, les nombreux toreros basques doivent, pour ceux qui nous ont quittés, se retourner dans leur tombe !
Notre conférencier, J.M. Busca Irusi, en cite une belle quantité. Nous n’en rapporterons ici que quelques-uns pour ne pas lasser le lecteur :
-1315 : Esquiroz, un “mata-toros” errait dans les Bardenas, suite à un sien meurtre.
-En 1393, un autre “mata-toros” est mentionné, un certain Juan Santander, d’Estella.
-Aux XIVème et XVème siècles, les toreros “de la tierra” (autochtones), basco-navarrais, ne manquent pas pour combattre les taureaux à Bermeo, Pamplona, Tudela, Baleztena, Iribarren.
-En 1622, on célébra de grandes fêtes taurines à Azpeitia à l’occasion de la canonisation de Saint Ignace (San Ignacio de Loyola) ; D. Alonso de Idiáquez s’y distingua.
-En 1682, lors de la proclamation de Saint Ignace comme Saint Patron de Vizcaya (Biscaye), les Juntas (le Conseil) de Guernica ordonnèrent la célébration de fêtes taurines.
-On trouve référence de toreros basco-navarrais en 1659 (Antonio Bautista), vers 1684 (Domingo Barrera, de Tudela, Juan de Burdeos, de Sangüesa).
-À la même époque, Juan Díez Iñiguez de Baldosera — surnommé Candil —, naturel de Rincón de Soto, toréait sur des échasses. Citons aussi Julio García, Juan Labayen, Francisco Milagro, Antonio Quintana, José Urrea, Miguel Sánchez…
-Au XVIIIème siècle, les lidiadores (toreros) navarrais sont légion. Le plus connu, grâce aux célèbres gravures à l’eau-forte de Goya, est El Estudiante de Falces — de son vrai nom D. Bernardo Alcalde y Merino. On peut aussi citer les frères Apiñani de Calahorra, El Tuertillo (ou El Navarrillo) et Juan, lequel fut représenté par Goya sautant le taureau “a la garocha” (à la perche). Cette équipe devait être fameuse puisqu’on en trouve mention dans les archives de Pamplona, Zaragoza, Madrid.
-Jaime Aramburu Iznaga — El Judío — fut tué par un taureau dans les arènes de Valencia (Valence) en 1786. Dans ces années-là toréaient trois Martincho. Les chercheurs pensent que celui que Goya représente quatre fois dans sa série de gravures serait Martín Barcaiztegui, d’Oyarzun (les deux autres Martincho étaient de Ejea de los Caballeros).
-Les auteurs basques et navarrais font mention de beaucoup d’autres toreros de la région en ce XVIIIème siècle. Plusieurs d’entre eux toréaient en Amérique latine, par exemple, à Buenos Aires, El Vizcaino (en 1755), Juan Bautista Ituarte (en 1772), José y Juan de Aguiar (en 1790), et encore Toribio Mújica à Lima (en 1770), etc., etc.
Mais, à cette même époque, brillaient déjà, dans le sud de l’Espagne, la famille Romero, de Ronda, « et le petit-fils du créateur de cette dynastie allait asseoir, avec Costillares, une nouvelle façon de combattre les toros bravos qui aurait pour conséquence la disparition du toreo [basco]-navarrais ».
Ce dernier s’appuyait sur les qualités physiques du pratiquant, sa force, son agilité : correr (courir), regatear (feinte), recortar (couper la course du toro), quebrar (embarquer l’animal d’un côté), saltar (sauter) ; loin des parar (arrêter), templar (calmer, adoucir) y mandar (envoyer, faire sortir) des Andalous — aujourd’hui, ajouter recoger (reprendre le toro pour enchaîner). Exercice difficile lorsqu’il faut combattre des toros de Casta Navarra « très sauvages, vifs, sauteurs, rapides, durs, nerveux, combatifs, vicieux et malins (con sentido) » comme les décrit la Unión de Criadores de Toros de Lidia (UCTL).
Avec beaucoup de sel, J.M. Busca ajoute qu’« en faisant un parallèle avec la danse, nous voyons que, alors que la danse basque est composée de sauts et jeux de jambes, la danse andalouse se base sur la composition de la figure alliée au doux mouvement des bras et du corps ».
Pourtant, les toreros basques s’adapteront aux nouvelles normes, avec la particularité d’être d’excellents estoqueadores (ceux qui portent le coup d’épée, estoc) et apparaîtront les Luís Mazzantini, “Cocherito de Bilbao”, “Pedrucho” (qui dirigea l’école taurine de… Barcelone !), Diego Mazquiarán “Fortuna”, Martín Agüero Ereña (qui a ses rues et son paso-doble) ; et que dire des contemporains Iker Javier Lara, Iker Cobo ou le regretté Ivan Fandiño ? Nous trouvons même dans cette longue liste non exhaustive un précurseur des toreras, Olivia Martínez « La Greca » qui torea avec Manuel Benítez “El Cordobés” et même en Amérique latine !!!
Pour être plus complet, sans épuiser cependant un sujet aussi fécond, ajoutons que dans le domaine de l’art pictural et musical relatifs à la tauromachie basque, les références ne manquent pas. En peinture, citons les plus connus, Unceta, Perea, Zuloaga, Zuloaga el Mozo, José Arrue… En musique, les chistularis (flûtistes basques) interprètent l’Iriyarena (morceau de musique incontournable de Raimundo Sarriegi) pour animer des spectacles taurins, et, dans les arènes basco-navarraises, les mêmes gaiteros y tamborileros (flûtistes et tambours) accompagnent la pose des banderilles. Sans oublier les nombreux pasodobles taurins dédiés à tel ou tel torero…
De grâce, chers anti (?), cessez d’agiter des symboles dont vous ne semblez connaître ni l’histoire, ni l’importance. Vous n’avez aucun droit de représenter un peuple qui a choisi sa bannière. Vous éviterez alors l’ire de nos compatriotes et le ridicule de vos allusions déplacées envers une nation fière de son passé. Le drapeau basque appartient à l’ensemble du peuple basque, non pas à quelques manifestants, fussent-ils persuadés que leur point de vue est le bon.
Michel MARCOS , El Quijote. (OSSAGES. 40)
Vidéo : le regretté Ivan Fandiño, le torero de la ville basque d’Orduña, ici à Madrid (2 Oreilles et sortie en triomphe).